Grand National et Nakayama Grand Jump : une histoire de Deep Impact contre toute attente
Corach Rambler, lauréat du Grand National de Liverpool, a un lien avec le gagnant du Nakayama Grand Jump le même week-end au Japon...mais pourquoi donc ?
Une fois passée les remous causés par les manifestations animalistes samedi à Aintree, une grande ferveur s'est emparée de la foule lorsque le légendaire Grand National a été remporté par son favori Corach Rambler, un cheval adoré des fans d'obstacle. A l'autre bout du monde, au Japon, le Nakayama Grand Jump était gagné à quelques heures d'intervalle par Irogotoshi. Dans cette course très particulière au coeur d'un pays qui n'a pas réellement de culture des sauteurs, où l'on part dans des stalles pour un voyage de 4250m sur des fences qui n'ont pas grand chose à voir avec les tas de feuilles d'Aintree, il n'y avait rien à priori pour rapprocher les 2 lauréats. Et pourtant, Corach Rambler et Irogotoshi ont bien plus en commun qu'on ne peut le penser au premier abord, avec un dénominateur commun : Deep Impact.
Irogotoshi, gagnant du Nakayama Grand Jump, est lui aussi lié à Deep Impact
Légende japonaise en piste, et puis et surtout au Haras, Deep Impact a depuis bien longtemps dépassé les frontières nippones pour conquérir le monde. Evidemment, il n'est pas du tout connu dans la case de l'obstacle, même s'il a donné quelques sauteurs dans son pays. Rappelons que l'obstacle au Japon est plus une porte de sortie pour les chevaux de plat plutôt qu'une discipline à part. En France, Deep Impact s'illustre dans ce registre via l'un de ses fils, Martinborough. Et le voilà qui apparaît comme grand-oncle de Corach Rambler, le lauréat du Grand National 2023 ! En effet, le père de ce dernier, Jeremy, qui a lui aussi un destin très atypique, est un neveu de Deep Impact.
Deep Impact
Jeremy était en effet un petit-fils de la championne Wind In Her Hair, lauréate de Gr.1 en Allemagne et placée classique, puis devenue au Japon la mère de Deep Impact. L'une de ses filles, la très modeste coursière Glint In Her Eye, est devenue la mère de Jeremy, qui est né aux Etats-Unis, puis est venu faire carrière en Europe après son achat 375 000 $ foal à Keeneland. Entraîné par Sir Michael Stoute, il fut un excellent miler, lauréat de Gr.2 et placé de Gr.1 à Royal Ascot. Il est ensuite rentré étalon à l'Irish National Stud. Les premières années, il s'est plus rendu célèbre pour avoir essayé de botter la Reine d'Angleterre lors d'une visite au Haras en 2011, que par les résultats de sa production... jusqu'à une révélation inattendue !
Jeremy, neveu de Deep Impact et père de Corach Rambler, lors de la visite de la Reine d'Angleterre à l'Irish National Stud en 2011, durant laquelle il avait failli la botter !
A la fin de l'année 2012, Jeremy change de crèmerie et sera acquis par Garryrichard Stud, un haras bien plus traditionnel qui fait de l'obstacle. Le miracle fut immédiat, puisque Jeremy, qui commençait à faire des sauteurs intéressants, explose dès le début 2013 avec la victoire d' Our Conor dans le Triumph Hurdle (Gr.1) au festival de Cheltenham. Il s'est mis alors à saillir énormément, et ce malgré un physique très éloigné des standards de l'obstacle. Petit, assez court, et avec 3 grandes balzanes blanches, ce Jeremy s'est tout de même révélé améliorateur chez les sauteurs, même si la gloire fut de courte durée. Il s'est accidenté à la fin de l'année 2014, alors âgé de 11 ans, et a dû être euthanasié. Depuis, avec ses quelques générations conçues à Garryrichard, Jeremy a continué ses exploits avec Appreciate It, Sir Gerhard, Mister Fisher, Black Tears, et donc ce Corach Rambler. Il est même, dans un tout autre registre, le père de mère de la lauréate de la Grotte (Gr.3) Blue Rose Cen.
Corach Rambler, avec sa liste significative, héritage de son père...
Acquis 17 000 £ à l'âge déjà avancé de 6 ans par son sympathique et éclectique groupe de propriétaires, Corach Rambler n'a débuté officiellement qu'à l'orée de ses 7 ans, en janvier 2021, après avoir fait du Point to Point. A peine plus de 2 ans plus tard, le voilà sur le toit du monde en s'envolant dans le Grand National pour l'écossaise Lucinda Russell. Et donc à un autre coin de la planète, l'équipe Japonaise entourant Irogotoshi vivait elle aussi un moment historique rempli d'émotions. En effet, ce sauteur assez inexpérimenté s'est envolé dans le Nakayama Grand Jump, et réécrit l'histoire. Il devient en effet le premier cheval né sur l'île de Kyushu, à l'extrême sud du Japon, à remporter un Gr.1 sur le circuit de la JRA. Le bassin d'élevage au Japon est plus du côté d'Hokkaido, complètement à l'opposé du pays. Ainsi, seulement 1% des chevaux de la JRA viennent de Kyushu. L'exploit est donc immense pour Irogotoshi, et son éleveur Toju Honda.
Voir l'édition 2023 du Nakayama Grand Jump
Etonnament, il y a une référence obstacle dans le pedigree d' Irogotoshi, du côté de sa grand-mère Ridge Rose. Cette fille de Sadlers' Wells, qui est arrivée au Japon en cours de carrière de poulinière, était une soeur d'un certain Sublimity, qui a gagné en 2007 le Champion Hurdle à Cheltenham. Du côté de Deep Impact, il se retrouve dans la lignée paternelle, puisque le légendaire étalon est le grand-père d' Irogotoshi. Le père lui, s'appelle... Vincennes ! On vous promet, rien à voir avec la cendrée parisienne. Remarquablement bien né, fils d'une championne sprinteuse nommée Flower Park, et donc de Deep Impact, Vincennes a gagné son groupe en plat et conclu 2e de Gr.1 à une encolure du champion Maurice. Il a été étalon à Lex Stud sur l'île d'Hokkaido, et Irogotoshi est issu de sa première génération, qui ne compte qu'une quarantaine de foals, mais tout de même 24 vainqueurs ! A l'autre bout du monde, mais pour l'amour du même sport, Irogotoshi et Corach Rambler ont donc plus en commun qu'on ne le pensait... et pourtant !
Notre fameux Vincennes, fils de Deep Impact et père de Irogotoshi