Sir Tony McCoy à l'entrainement chez Guillaume Macaire à La Palmyre

18/02/2016 - Découvertes
Légende vivante des courses d'obstacle Outre-Manche, anobli récemment par la Reine d'Angleterre, Sir Tony McCoy, le meilleur jockey d'obstacle de tous les temps, qui a pris sa retraite en 2015 après 20 cravaches d'or consécutives, est venu monter à l'entrainement chez Guillaume Macaire, pour le compte du propriétaire irlandais JP McManus.

 
 
Depuis toujours, Guillaume Macaire voue une certaine fascination pour l'Angleterre et ses courses. Il y a une quinzaine d'années, il y a d'ailleurs remporté beaucoup de victoires, n'échouant plusieurs fois que de peu à Cheltenham, et son style vestimentaire le ferait aisément passer encore aujourd'hui pour un personnage typique des hippodromes anglais, en tweed, casquette "old fashion", foulard et badges multiples accrochés à la lannière des jumelles. Dans ce contexte, il est aisé d'imaginer son émotion lorsqu'il a préparé la venue de Sir Anthony McCoy, anobli dernièrement par la Reine d'Angleterre, titulaire du score incroyable de 20 cravaches d'or consécutives jusqu'à sa retraite en 2015.
 
C'est à dire que ce jockey d'obstacle, né en Irlande du Nord mais arrivé jeune en Angleterre, a été le meilleur en tant que "conditionnal jockey" à 20 ans, puis a remporté les titres de champion chaque année de sa carrière qu'il a passée en tant que professionnel !!! Vainqueur de 289 courses pendant la seule saison d'obstacle 2001/2002 et à la finale de 4358 courses dans sa carrière, sacré sportif de l'année par la BBC en 2010 (le 1er jockey de l'histoire titulaire de ce titre), Sir AP McCoy a déjà publié 3 biographies... Bref, c'est peu comme si Zidane se présentait devant l'entrée du PSG. Même Zlatan en serait sûrement tout chose.
 
 

De gauche à droite : Micheal McManus, Sir Anthony Patrick McCoy, Hubert Barbe, Charlie Swann et Guillaume Macaire
 

Avant de monter à cheval, Tony McCoy visite l'écurie de Guillaume Macaire.
 
Il fait super beau en ce matin du 17 février 2016, à La Palmyre chez Guillaume Macaire, qui a été champion entraineur d'obstacle en France à peu près autant de fois que McCoy a dominé la discipline en Angleterre pendant la même période. Il arrive dans l'écurie accompagné d'une forte délégation. En effet, lui qui fut le premier jockey de JP McManus continue de travailler pour cette casaque dominante en Angleterre et en Irlande, tout comme Charlie Swann, autre ancien jockey vedette qui fut le partenaire d'Istabraq pour JP McManus, dont le fils Michael est présent à La Palmyre, avec aussi le courtier français Hubert Barbe. Ce dernier fut l'un des premiers exportateurs majeurs de chevaux d'obstacle en Angleterre, il y a près de 20 ans pour Martin Pipe. Il s'est distingué à la vente d'automne 2015 d'Arqana en achetant pour McManus, 3 des 4 plus gros prix de la session d'obstacle, dont le top price Chirico Vallis pour 355.000 €.
 
 

Deux jockeys vedette... De retour d'Irlande, Jacques Ricou discute dans un excellent anglais avec Tony McCoy.
 
 
Une stratégie nouvelle
 
 
Evidemment, cette délégation qui s'est déplacée avec le pilote d'essai le plus prestigieux possible n'est pas venue simplement apprécier le calme de la côte Atlantique hors saison, mais pour trouver de bons jeunes chevaux à acheter. Toutefois, il pourrait ne s'agir que de simples achats "secs", mais comme le souhaite Guillaume Macaire, d'un partenariat sur la durée. Ainsi, McManus pourrait acheter de jeunes chevaux mais les laisser en France et les faire exploiter à La Palmyre pour les faire concourir à 3 et 4 ans dans les nombreuses épreuves d'un programme particulièrement riche dans l'hexagone, au contraire de l'Angleterre. Financièrement, cela offre un potentiel de rentabilisation des investissements. Et vu que les tendances s'inversent ensuite, puisqu'à partir de 5 ans les possibilités deviennent beaucoup plus nombreuses Outre-Manche qu'en France, les meilleurs et/ou les plus aptes pourraient traverser le Channel. McManus a déjà des chevaux en France, chez Doumen et plus récemment Clayeux, mais l'idée est ici de construire "développement durable"...
 
 

Guillaume Macaire nous montre Storm of Saintly, qui présente un physique très impresionnant
 
 
 
A glagla : Storm of Saintly travaille en forêt
 
 
Mais avant de rendre concrète cette stratégie, il faut mettre McCoy à cheval. Le premier garçon, Philippe Robert avait déjà prévu la veille une étiquette marquée " Sir AP McCoy" au tableau des lots. A 8 heures, il gèle à pierre fendre (moins 7 degrés) et les pistes ont une croute gelée en surface. Les choses vont s'arranger quand le soleil fera son effet, mais il faut attendre. Dans ses conditions, Guillaume Macaire a 2 possibilités pour travailler ses chevaux : la plage et la forêt. Le 1er lot sort donc sur la piste en sable naturel qui traverse la forêt de Pins adjaçente à l'hippodrome, les arbres protégeant le sol en termes de température. Guillaume Macaire nous montre un phénomène qui prépare son grand retour : Storm Of Saintly. Le vainqueur du Grand Steeple-Chase de Paris 2014, à l'âge de 5 ans sous la selle de Vincent Cheminaud, veut reprendre son trône en 2016. Absent pendant un an et demi, le fils de Saint des Saints a eu un programme allégé pour son retour à l'automne 2015. Il a subi une chute bête à la dernière haie pour sa rentrée à Strasbourg en Alsace, chez son propriétaire Jeannot Andt, alors qu'il avait course gagnée, puis a retrouvé facilement la victoire à Fontainebleau. Maintenant, il va falloir rattaquer les plus gros morceaux d'Auteuil. En tout cas, en termes de physique, Storm of Saintly, cheval noir, est très impressionnant...
 
 

Le premier garçon, Philippe Robert, a préparé la visite du crack jockey au tableau des montes.
 
 
Le rugissement des lions
 
Si McCoy est un dieu vivant Outre-Manche, il est resté très simple et riche d'un humour tout britannique. Alors qu'on patiente dans l'écurie en attendant le dégel (sans blague), on entend des rugissements mystérieux dont le son puissant semble provenir d'un boxe tout proche. En fait, c'est un lion du célèbre zoo de la Palmyre, à 500 m de là, qui réclame son petit déjeuner, nous apprend Katja, une Suissesse qui travaille à l'écurie. "Cela ne m'étonne plus que les chevaux vont si vite ici ! " s'exclame McCoy. "Après avoir entendu ça, au 2ème lot, ils travaillent beaucoup mieux. Je n'y aurais jamais pensé. Vraiment, chez nous en Angleterre, il y a des choses qu'on n'arrive pas à comprendre."
 
 

Punch Nantais, monté par Kevin Nabet
 

So French, associé à Barbara Guenet
 

So French en plein envol
 

So French et Punch Nantais sur le steeple
 
Enfin le soleil a dégelé les pistes. A 10H00, un lot de 35 sauteurs entre en piste. McCoy et son équipe vont pouvoir profiter d'une vraie séance d'obstacle à la Macaire, ce qui est un spectacle assez impressionnant pour les professionnels. Tout d'abord, 3 steeple-chasers s'élancent pour un parcours sinueux et varié à travers les multiples obstacles, dont certains mobiles, qui sont disposés de çi de là sur le terrain. Peu de ligne droite... Les chevaux doivent sans cesse changer de jambe, travailler leur équililbre, passer du sable au gazon, tourner à droite, à gauche, franchir des obstacles dont aucun ne se ressemble. L'école idéale où s'exercent en l'occurrence 2 champions, le gris Punch Nantais, lauréat du Prix Congress (Gr.2), et le bai So French, le meilleur 4 ans d'Auteuil en 2015 (F. Dufaure + M. Gillois). A 5 ans, il se dirige tout comme Storm of Saintly sur le Grand Steeple-Chase de Paris. " Je n'aime pas compter les oeufs dans le cul de la poule et à chaque fois que j'ai voulu jouer au patient calculateur, tout a tourné à la catastrophe. Donc nous allons vers le Grand Steeple dès l'âge de 5 ans. J'hésite à le rentrer en haies dans le Prix de la Source ou dans le Clermont-Tonnerre, dont les conditions ont changé en devenant plus favorables à ce type de chevaux. Après, ce sera une préparatoire. De toute façon, il faudra passer le "gros d'en face" au moins une fois avant le Jour J. Pour ce Grand Steeple 2016, outre Storm of Saintly et So French, j'ai aussi As d'Estruval qui a le potentiel. C'est le frère aîné de Caresse d'Estruval. Il a eu des soucis de santé mais il a énormément de talent. D'ailleurs, il a quand même gagné le Triquerville à 4 ans et le Fondeur à 5 ans. Je crois beaucoup en lui. Espérons qu'abondance de biens ne nuira pas. "
 
 

De gauche à droite : Tony McCoy, Raymond O'Brien, Arnaud Duchêne et Kevin Nabet
 

McCoy en selle sur Invincter



 
 
" Une cravache pour l'apprenti ? "
 
 
Ensuite, vont s'enchaîner 2 vagues d'une douzaine de 3 ans chacune. Ca part au canter. On ne va pas vite mais juste bon train, aux 2 mains, pour un travail sur les haies d'environ 4000 m. McCoy se met en selle. Il discute avec les 2 cavaliers anglophones, l'Irlandais Raymond O'Brien et Arnaud Duchêne, qui a travaillé en Angleterre pour Martin Pipe. La première vague se rassemble pour tourner autour du mirador du patron. McCoy demande une cravache. Parmi les cavaliers qui  ne vont pas sauter, restés dans le grand rond, on demande qui aurait un bâton pour "aider l'apprenti". Ils sont taquins mais respectueux (ou méfiants), car ils ne parlent pas bien forts...
 
McCoy s'élance sur un alezan, Invicter, un fils de Sholokhov issu de la bonne souche "Goral". Soeur par Nikos de Mood, Aristophane, Worldbest et Orcantara, sa mère Présidence a déjà donné 5 bons vainqueurs dont Netstar. Ensuite, il enchaîne sur Monsieur Co, une fils de Turgeon et de la bonne Cayras Style, donc propre frère de Pur Style (Prix d'Iéna, Listed). Il n'a pas eu à bouger les mains pendant les séances de saut, contrairement à l'Angleterre où il était obligé de lancer littéralement ses partenaires sur les obstacles pour qu'ils n'oublient pas de s'enlever, mais en descendant de cheval, il a pris un coup de chaud quand même sous ses multiples pulls et vestes : "Il ne fait pas si froid finalement. J'ai même pris chaud ; ça fait longtemps que je n'avais pas travailler autant à cheval ! J'ai eu beaucoup de plaisir, c'était très intéressant de voir comment Mr Macaire travaille. Je comprend mieux sa réussite. C'est un grand pefectionniste. Tout est très règlementé ici. C'est une direction assez militaire mais ce n'est pas une mauvaise chose du tout ",  explique Tony McCoy.
 
 

McCoy en selle sur Monsieur Co
 



Tony McCoy en discussion avec Barbara Guenet

 
 
"C'est fascinant de voir des 3 ans aussi avancés ?"
 
 
Alors que chez nous, on saute très tard, ici, les chevaux sont très avancés. Les 2 poulains que j'ai montés sont quasiment prêts à courir. Des chevaux très professionnels qui savent tout faire ! C'est fascinant de voir des poulains aussi jeunes et déjà si bien éduqués dans ce pays. Nous sommes venus en France pour chercher des bons chevaux et je voulais rencontrer Mr Macaire. J'aime découvrir des gens qui ont un tel succès et pouvoir parler avec eux. Avec de tels personnages, vous avez beaucoup de choses à apprendre. Je suis enchanté d'avoir pu découvrir cette méthode et je peux mieux comprendre la réussite des chevaux français. Je suis sûr que nous allons pouvoir trouver des bons chevaux pour les laisser d'abord à l'entrainement chez Guillaume Macaire puis les emmener plus tard en Angleterre et en Irlande."
 
 

Le Rond d'Havrincourt, un outil de travail essentiel pour le dressage sur les obstacles.
 
 

Guillaume Macaire et Tony McCoy
 
 
La conclusion dans le rond d'havrincourt
 
Le lot quitte la piste de l'hippodrome, sans pour autant rentrer à l'écurie. Ceux qui n'avaient travaillé que sur le plat vont passer dans le manège. La répétion des sauts dans ce rond d'havrincourt explique la qualité du dressage précoce et la capacité des chevaux à sauter par réflexe. "Vous voyez comme les chevaux apprennent à s'économiser dans ce manège. Rapidement, ils vont comprendre qu'il est idiot de tirer ou de faire des efforts exagérés et inutiles sur les obstacles. Car à la fin de la course, le gagnant n'est pas toujours le meilleur, mais souvent le moins fatigué. " C'est ainsi que Guillaume Macaire a conclu magistralement sa visite. En Angleterre, si Paul Nicholls possède un manège, il est bien le seul car les Britanniques n'emploient pas cette méthode pourtant assez répandue en France. "Je me rappelle avoir monté à l'entrainement sur différents ronds d'obstacle de ce genre à Maisons-Laffitte. C'était génial pour apprendre à sauter" témoigne Charlie Swann, démontrant par la même occasion que les choses restent bien différentes des 2 côtés de la Manche !

 

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