Guillaume Macaire romancier : une grande surprise à découvrir
Depuis le printemps 2015, j'ai eu l'occasion de mieux connaître Guillaume Macaire à travers la réalisation d'un documentaire en plusieurs étapes au sujet de ses méthodes de travail. Fidèle à sa réputation, il détient une vision globale et conceptualisée du cheval et des courses, il est précis, ne détend jamais un méninge, s'exprime avec volubilité ou véhémence, selon qu'il s'agisse d'une explication lors d'une discussion ou d'un coup de gueule, au plaisir ou au dam de son interlocuteur selon le cadre dans lequel il se trouve !
En tout cas, il ne ménage pas sa peine. Et même s'il arrive à l'âge où certains ne rêvent que de paisibles voyages organisés, mais qu'on imagine pas du tout le personnage dans cette situation, c'en est à se demander comment, après tant de titres accumulés et au bout de tant d'années, son acharnement au succès ne s'éreinte pas une seconde. Et tant tout ça, il trouve le temps de peindre et d'écrire des rubriques, désormais sur France Sire, et donc des romans, des activités qui exigent une grande patience...
L'histoire commence en 1976, année des grandes chaleurs, à Chantily. Né dans le milieu des courses, mais agent immobilier, tout en rêvant d'aventures equestres, le narrateur, qui voit la vie prendre la poussière tout en craignant le risque de briller, est sinistré par la femme de son faible frère, une mâratre "ni belle ni soeur" lors d'une succession familiale, celle de la belle villa de son enfance. Fouillant dans les vieux cartons, il y décrouvre les carnets de son grand-père, ancien grand jockey du début du 20e siècle avant de périr lors de la Grande Guerre. Là, on retrouve du Macaire comme on l'aime, au meilleur de sa forme au sujet d'une période historique qu'il adore, qu'il décrit avec une verve extraordinaire, un grand souci du détail historique qui nous en apprend beaucoup sur la création des courses en France avec le règne des anglais mis à mal par les avancées amériains, mais pour autant sans concession. Il égratigne sur des thèmes dont on se rend compte qu'il sont diablement d'actualité : " On ne voit point que les commissaires aient de compte à rendre à qui que ce soient. Je prétends même qu'ils sont dans une société livre les derniers représentants du pouvoir absolu. " Après les commissaires, ce sont les acteurs eux-même qui en prennent pour leur grade : " (...) le monde des courses est divisé en deux classes bien distinctes. Celles des privilégiés du sort et celle des déhérités. Les commissaires, les handicapeurs, les starters et les entraineurs et les jockeys détenaient les privilièges. Les propriétaires en étaient les parias. La chose est d'autant plus étrange que les propriétaires étaient les seuls qui paient (...). Pourtant leur rôle est strictement aux apports en espèces et il ne leur ait attribué aucune part dans la direction générale. Une fois de plus, les conseilleurs ne sont pas les payeurs. De surcroît, sans défense devant la souveraineté des commissaires, les insuffisances des programmes, les fantaisies parfois trop personnelles des handicapeurs, les oublis du starter, la volonté de l'entraineur et le caprice du jockey, le propriétaire doit être stoïque et recevoir les coups, sans mots dire, un inaltérable sourire aux lèvres ! "
Le roman, agrémenté de nombreuses et précieuses photos d'archives (dont celle de l'hippodrome flambant neuf de Saint-Denis-La-Courneuve, où jamais aucune ne s'est disputé suite au refus de la municipalité communiste de donner l'autorisation de construire la route pour y accéder), se poursuit entre les crack entraineurs et jockeys de l'époque, dont Percy Woodland, Alec Carter, George Stern, George Parfrement, leurs aventures à travers toute la France et aussi en Belgique, avec son lot d'anecdotes croustillantes.
Guillaume Macaire démontre dans son roman sa fascination pour les jockeys, même s'il les considère comme des mercenaires, et surtout lorsqu'il s'agit de Bertrand Lestrade qui s'impose à Compiègne, le site de ses 1e armes, et en en plus en selle sur...Saint Macaire ! (photos APRH)
Mais tandis que le narrateur continue de se dépêtrer tant bien que mal de sa succession, le récit nous amène ensuite à la guerre. Là, le vernis du passé craque soudainement pour laisser place à l'abomination, au scandale de l'humanité lorsque l'enthousiasme des combattants du début s'écroule très vite face à la réalité. " De ma joie d'alors, aussi intense que ma tristesse aujourd'hui. Une tristesse à laquelle peut même faire place à une haine totale envers ceux qui nous font faire ça. Car le patriotisme du début, le mien et celui de mes compagnons, a fait place dans le monde militaire à un patriotisme d'intérêt."
A ce moment, Guillaume Macaire réussit un exercice difficile. Il ne va pas chercher le sang, qui de toute façon vient tout seul, il ne s'offusque pas de la débilité du système, la fatalité suffisant à la démontrer, il conserve une grande sobriété dans la description des faits, qui n'est en que plus forte. " Dans la tranchée, sur la parapet, dans les trous des fantassins gisent, le crâne ouvert, la poitrine trouée. Les hussards ont chargé, et dans le coin d'une tranchée un hussard est venu expirer ; ses grands yeux ouverts gardent une expression de terreur. Nous sortons de la tranchée et nous voici en rase campagne. Notre capitaine conduit la compagnie. Je le vois en tête qui boite et j'ai peur pour lui. Je me dit que s'il est tué, je me fais tuer aussi. Il est vu et les obus éclatent sur nous. Un mitrailleur et un téléphoniste sont réduits en bouillie. On voit dans la plaine les cadavres bleu ciel des petits hussards si mignons qu'on dirait des poupées."
Pour autant, le roman de Guillaume Macaire n'est pas un livre sur la guerre, et pas sur les courses. Car la 2e partie du récit change complètement de rythme. Un peu dans l'esprit du "Million Dollar Baby" de Clint Eastwood, une 2e histoire, conséquente de la 1e, mais complètement différente, démarre au milieu de l'oeuvre. Et on revient au narrateur qui va découvrir dans les carnets de son grand-père l'existence d'un magot qui pourraient changer sa vie, à condition de passer sur le corps de l'horrible belle-soeur, et qui va en effet changer sa vie. Il pourra accomplir son rêve de gosse, pourra même y réussir, mais comment et pour combien de temps...
C'est là ou l'auteur Macaire surprend l'assemblée, où sa plume, sa faculté à décrire le monde, l'histoire et percer les âmes qui l'entourent, prennent la vrai dimension de romancier. En tout cas, moi, qui aie pourtant l'habitude d'écrire des textes, j'ai été complètement étonné par la tournure de roman court, de moins de 200 pages, édité par YellowConcept (Serge Bizeul). C'est pourquoi je me garderai bien dans ces lignes d'aller plus dans la description de cette oeuvre.
Maintenant c'est à vous de voir ! COMMANDE DE " A la plume de Sergent Major...ou à la mine de plomb" :
http://www.yellowconcept.fr/a-la-plume-sergent-major-ou-a-la-mine-de-plomb-P142.html
Billet de Raphaël Naquet : Guillaume Macaire : la fine plume du Sud Ouest