Anjou Loire Challenge 2014 pour Posilox : le remède anti-morues vertes
C'est un petit gars du coin qui court sur la piste, les yeux embués. Il est soulagé. Il a eu tellement peur que l'histoire se répète, donc mal. William Menuet est l'entraineur de Posilox, qui après avoir donné l'impression d'un gagnant n'avait conclu que 5e l'an dernier. Alors il se liquéfie quand il voit que son jockey Romain Julliot accélère franchement et se détache à 800 m de l'arrivée. Mais cette fois, l'histoire se termine merveilleusement bien pour l'entraineur installé chez lui à Chemazé, dans le Haut-Anjou à 10 min de l'hippodrome du Lion.
Romain Julliot triomphe en selle sur Posilox à l'arrivée de l'Anjou Loire Challenge 2014.
C'est un ancien jockey d'obstacle, longtemps chez Philippe Cormier-Martin, qui a fait une carrière sérieuse dans l'ouest (115 victoires) sans pouvoir intégrer l'élite, et encore moins sur cette piste. " Je crois qu'en tant que jockey, je n'ai jamais pu faire le tour de cet hippodrome ! Au début en tant qu'entraineur, je n'osais même pas courir au Lion d'Angers. Maintenant je gagne l'Anjou Loire Challenge, 3 semaines après le Grand Steeple (NDLR : avec OK Darling). Quelqu'un m'aurait dit ça quand je me suis installé, je l'aurais pris pour un fou !"
William Menuet, la consécration du professionnel discret
Un type discret sans le vouloir
William n'est pas timide, il est discret. Il n'attire pas les propriétaires et entraine un effectif réduit bien qu'il ait toujours gagné des courses depuis ses débuts en septembre 2002, avec un certain Karnag qu'il montait lui-même à Craon, et la date du 9 mars 2003 qui reste celle de sa 1e victoire (toujours lui-même en selle) à Saumur avec Lumière du Jour, alors débutante. En 2006, complètement inconnu à la capitale, il gagne une course B à Chantilly devant Fabre et compagnie grâce à Antigel (fils de...Verglas !). En 2007, il remporte le Prix Bango à Maisons-Laffitte avec l'AQSP Phyléa. Mais à défaut de reconnaissance, William poursuit un petit bonhomme de chemin qui avait toutefois déjà pris une certaine ampleur avant les exploits lionnais, à l'automne dernier avec son succès dans le Grand Steeple-Chase de Craon grâce à Lady d'Ogenne.
Il s'est passé quelque chose...
Et c'est sans doute un truc comme ça qui restera du 10e anniversaire de l'Anjou Loire Challenge au Lion d'Angers. L'hippodrome qui était un gala dominical incontournable pour les gosses et les parents angevins il y a seulement encore 10 ans, et victime d'un assassinat méthodique de son public de la part du programme PMU qui l'a totalement vidé de sa foule et de son âme, avait enfin retrouvé la ferveur des belles années avec des tribunes totalement bondées par 15.000 personnes. Enfin, il se passait quelque chose aux courses... Et même si le public local, composé d'amateurs sportmen très pointus sur la chose équine, avait applaudi à tout rompre au 1e succès étranger de l'irlandais Another Jewel en 2010, et cette fois espérait voir s'imposer sans chauvinisme le superbe favori anglais Balthazar King, un vainqueur du Grand Cross de Craon très apprécié qui a suscité une vive émotion dans les tribunes lors de sa chute heureusement sans gravité, le tintamare des encouragements sonnait doux les retrouvailles avec le plaisir authentique des courses.
Christine Darchy, éleveur et propriétaire de Posilox avec son mari Michel, ne peut retenir ses larmes après l'arrivée
" On garde nos chevaux même lorsqu'ils ne sont plus bons à courir".
C'est à dire applaudir un cheval qu'on connaît et qu'on aime, féliciter des gens qu'on apprécie et dont on reconnait le travail quotidien avec ce fabuleux accomplissement. Le jockey Romain Julliot est le fils d'Henri Julliot qui fut l'un des meilleurs jockeys d'obstacle de l'ouest en son temps. Posilox a grandit à Soeurdes à deux pas du champ de courses chez Christine et Michel Darchy qui en sont toujours les propriétaires. " On garde nos chevaux même quand ils ne sont plus bons pour les courses. On a élevé Posilox depuis qu'il est tout petit..." Christine Darchy ne peut pas finir sa phrase et tombe en sanglot. Les morues vertes du style de l'autre espèce de députée de tous les dangers Michèle Rivasi (diplômé de l'IUFM), qui déblatère que les gens des courses ne sont qu'une bande de barbares sanguinaires et que les pauvres chevaux y meurent dans d'atrices souffrances, feraient bien de se faire décoller les dogmes ayatollesques en prenant la peine de tendre l'oreille vers ces gens qui travaillent et se lèvent tous les jours plutôt que de s'exciter à proférer des leçons de morales à la terre entière, dans toute la splendeur de l'enseignement français d'aujourd'hui que tout le monde nous envie...mais que plus personne ne convoite.
A bas les morues vertes !
Pour être honnête, les croisements paternels de Posilox sont totalement fantomatiques. Le père Loxias, bien né mais très caractériel, ancien vainqueur d'une listed au Lion d'Angers porté au poteau par la cravache très affutée de Soumillon a été un étalon qui n'a jamais rien sailli au Haras du Puit Gasnier à Chazé/Argos (dans le coin...), avant de partir loin dans le Centre Est puis de disparaitre de la circulation à tout jamais. Cela étant, avec moins de 50 produits nés dans toute sa carrière, les résultats au Haras de ce frère de Keltos par Saumarez sont remarquables avec outre Posilox des vainqueurs à Enghien (Shannondelabarriere), Cholet (Pentamix), Auteuil (Scluzo de l'Aube) et même une autre black-type, Lady Lox.
Le croisement de deux fantômes
Le père de mère, Pigeon Voyageur, cheval doué mais fou qui courrait avec son licol chez Fabre (et ça, ça craint sévère...) n'a sailli que 2 saisons en France avant d'être refourgué au Maroc quand ce pays prenait vraiment n'importe quoi à la fin des années 90. Mais au final, il a quand même donné 7 vainqueurs individuels en 17 produits nés, ce qui donne un taux de réussite dont beaucoup de ses congénères plus prestigieux ne peuvent se targuer. Posilox est le 4e et dernier foal de sa mère Positronique, restée inédite, et dont les 3 premiers produits étaient à ce points nuls qu'aucun n'a pu faire mieux que 4e à réclamer à Chinon ou Nort/Erdre...La misère...Mais attention, pas de misérabilisme. La grand-mère avait un brin de galop. Certes beaucoup moins rapide que son frère ainé Go Jogging (Go Marching), vainqueur sur 1000 m à 2 ans du Prix d'Arenberg (Gr. 3) en 1982, cette Cast A Line (Lancastrian) s'est retrouvée chez le permis d'entrainer Roger Lamisse pour gagner 3 courses d'obstacles sur des parcours de vitesse de Sablé/Sarthe et Seiches/Loir après une début de carrière raté en plat chez Pantall.
Roger Lamisse : Paris Position et bottes en caoutchouc vertes
Un drôle de bonhomme, ce Roger Lamisse. Amateur n'ayant pas le profil d'un cavalier, mais montant tous ses chevaux lui-même en bottes en caoutchouc vertes, passant pour un gentil illuminé au petit centre d'entrainement du Chataîgner à Tiercé (ça ne s'invente pas) dans le Maine-et-Loire, à 15 min du Lion d'Angers, il a eu un phénomène dans les années 80 nommé Paris Position, en 3e main...Ce fils de Rheffic, ingérable le matin, ne supportant de voyager que seul et tout près de la maison, était tout simplement psychopathe au point de casser le camion sur le chemin du retour lorsqu'il n'avait pas gagné. Heureusement, il a gagné environ une fois sur deux chez le gars Roger (14 victoires !) dont 2 fois le Grand Steeple-Chase de Craon. " Paris Position a passé toute sa retraite à la maison" ajoute Christine Darchy dans un nouveau sanglot." Il a vécu jusqu'à 33 ans", précise-t-elle tout naturellement mais avec ce type de fierté légitime d'avoir bien oeuvré pour l'autre, imperméable aux morues vertes citées plus haut.
Richard Johnson ramène l'infortuné Bathazar King, qui s'est trompé sur un contre-haut en fin de parcours alors qu'il se rapprochait de façon très significative
Balthazar King : le roi mage se trompe d'étoile
Cet Anjou Loire Challenge était un mélange générationnel. A 10 ans, Balthazar King est donc malheureusement tombé en fin de parcours, sur une bêtise. " Il a mal jugé la hauteur d'un petit contre-haut et n'a pas assez levé les épaules. C'est dommage, j'allais très facilement et le parcours s'était plutôt bien déroulé à l'arrière, mis à part le gué où il a été très surpris par toute l'eau qui l'éclaboussait. Mais nous reviendrons l'année prochaine." Super jockey anglais aux 2500 victoires, Richard Johnson gardait quand même le sourire même si la fin de son aventure n'a pas été faste comme au Grand Cross de Craon qu'il avait remporté très brillamment.
Le vieux Phakos, 11 ans, auquel David Cottin avait préféré Néofito (arrêté), a retrouvé le feu sacré en prenant une nouvelle 2e place de Grand Cross sous la selle du jeune et pertinent Benjamin Bourez: " Il a conservé toute sa qualité mais à son âge, on ne peut plus se permettre de monter agressif et de suivre le rythme de la tête de course. Alors il faut le monter battu pour qu'il puisse finir." Il devance une très remarqué "bleu" de 7 ans Kapville, déjà 2 fois vainqueur à Craon en 2013 et qui a terminé comme une balle pour prendre la 3e place aux britanniques Shalimar Fromentro et Jacks Island (le gagnant du Grand Cross de Punchestown, à suivre de très près à Craon). Lui qui a subi une très lourde perte lors de la morte dramatique du lion blanc Chriseti lors du Grand Cross de Craon 2013, Etienne Leenders peut espérer former un nouveau champion avec ce Kapville (Kapgarde).
Posilox n'est pas vieux. Il a 8 ans. A 6 ans déjà, il avait fait un truc sensationnel à Craon, prenant la 2e place du Grand Cross 2012 derrière un Chriseti au sommet de sa gloire et totalement inaccessible. Lui qui n'avait jusqu'alors gagné qu'un steeple-chase à 4 ans à Landivisiau, il venait se déclencher et d'aligner 3 succès à Seiches/Loir, Durtal et au Lion d'Angers. Tombé pour sa rentrée 2013 à Fontainebleau, et donc 5e décevant beaucoup son entourage dans l'Anjou Loire Challenge, Posilox n'a retrouvé le bon rythme qu'en novembre en gagnant le Grand Cross de Durtal, déjà sous la selle de Romain Julliot, qui le retrouvait au Lion pour la consécration en l'absence d'Olivier Jouin, actuellement blessé.
Cookie Dingler, l'inoubliable chanteur de "Femme Libérée" a choisi un cheval avant la course...Posilox !
Cookie les bons tuyaux !
Mais la question qui se pose vraiment, c'est comment a pu faire Cookie Dingler pour trouver le gagnant ? En effet, le Lion d'Angers a proposé un concert gratuit entre 14 et 16 heures avant le début des courses. Sur scène, des stars des années 80 qui font toujours un carton auprès de tous les publics, et notamment des jeunes ! Tout le monde connait " Femme libérée", avec ce refrain " Ne la laisse pas tomber, c'est une femme libérée, tu sais c'est pas si facile". L'auteur chanteur d'origine, Cookie Dingler, le vrai l'authentique était là en chair et en os au clavier, avec à ses côtés à la basse l'incommensurable Jean-Pierre Mader (" oh Macoumba, Macoumba, tu danses tous les soirs !") et au chant William de Début de Soirée ("et tu chantes chantes chantes, ce refrain qui te plait"). Ces soixantenaires guillerets et heureux de vivre (le contraire des morues vertes pré-retraitées à 45 ans de l'Enseignement citées plus haut) enchaînent avec le feu et sans fausse note leur propres tubes avec des trucs qui déboitent (Téléphone, Police, ACDC) mais aussi de vrais moments de poésie comme La Javanaise de Serge Gainsbourg a capella. C'est super chouette et les gens sont à donf, même si cela n'est pas assez intellectuel pour...les morues vertes qui sont la version moderne et politisée des anciennes bigottes en noir.
Un hippodrome bondé, ça fait bander
Cela a bien sûr permis, avant même le début des courses, de bien remplir l'hippodrome comme on ne l'avait pas vu depuis ses lustres avec des voitures garées sur plusieurs kilomètres et des enceintes bondées. " Et encore, nous avons constaté la plus forte vague d'arrivée une heure environ avant l'Anjou Loire Challenge" précise le Président Alain Peltier, comme quoi on peut encore attirer le monde avec un vrai spectacle des courses. " En effet, à 18h45, quand les 13 guerriers du galop se sont élancés pour sauter 49 obstacles sur 7300 m, ils sont passés devant des tribunes et une pelouse archi pleines tout au long de la ligne droite. Une assemblée massée, enthousiaste et fébrile. Ca fait beaucoup de bien.
GALERIE PHOTOS
Les anglais et irlandais étaient venus en force pour l'Anjou Loire Challenge. Ici Jacks Island le vainqueur du Grand Cross de Punchestown en Irlande...
Ainsi que Balthazar King, le meilleur cheval de cross country d'Europe puisque vainqueur tant à Craon qu'à Cheltenham et récent 2e du Grand National de Liverpool. Reconnu par le public français, il est parti grand favori.
Et Shalimar Fromento, le pensionnaire de Nick Williams qui lui est très habitué aux circuits français.
A l'Anjou Loire Challenge 2014, ce sont les Miss Anjou Loire qui ouvrent le chemin des chevaux vers le rond. On peut penser que le crack jockey anglais Richard Johnson, qui montait pour la 1e fois au Lion d'Angers, n'avait jamais vu ça avant.
Patrice Quinton, préparateur affûté des cross-country et ses deux jockeys, Jessy Blandamour à gauche et Jérôme Zuliani à droite
Les jockeys, ces combattants
Des tribunes pleines à craquer. 15.000 spectateurs avaient fait le déplacement !
Concentration maximum pour le départ de la 10ème édition de l'Anjou Loire Challenge
Passage de la banquette, le représentant de la casaque Jacques Détré (n°3) a longtemps été l'animateur de la course
Apercevez-vous le futur vainqueur?
Posilox a accéléré franchement à 800 m du but et n'a plus été rejoint.
Un tour d'honneur mérité pour Posilox et Romain Julliot, les vainqueurs de la 10ème édition de l'Anjou Loire Challenge
Après les efforts des chevaux, c'est Arnaud Poirier et Yannick Leboeuf qui s'activent
L'infortuné Sulon est rentré boiteux
Ne pleurez pas amis anglais! L'entourage de Balthazar King, ses propriétaires et son entraîneur Philip Hobbs
Le comte Antoine-Audoin Maggiar (sous le chapeau) attend son pensionnaire Kapville, arrivé 3e, aux côtés de Christine et Etienne Leenders
L'entourage du vainqueur a fait retentir la marseillaise
Tous les jockeys de l'Anjou Loire Challenge ont été chaleureseument récompensés
Merci et à l'année prochaine !