L'histoire de DNA : Sea-Bird, le cheval du siècle

01/05/2020 - Grand Destin
 Jusqu'au bout, Sea-Bird a conservé cet incroyable qualificatif de cheval du siècle suite à ses exploits de l'année 1965. Thierry Grandsir vous conte l'histoire de ce fougueux fils de Dan Cupid, né grâce à la passion de son éleveur Jean Ternynck pour un étalon presque stérile...

SEA-BIRD (1962-1973), par Dan Cupid et Sicalade (Sicambre)

 
Le système des ratings a pour but de comparer la valeur sportive des chevaux de course entre eux. Il permet de définir les poids attribués à chaque partant dans les handicaps, et de mesurer le niveau de chaque génération depuis sa création par Timeform, en 1947. Un coup d’oeil en haut de tableau montre un certain Frankel en première place avec une valeur de 147, précédant son cadet de presque cinquante ans Sea-Bird, avec un rating de 145. A en croire les chiffres, Sea-Bird serait donc le meilleur cheval du XXe siècle (devant Secrétariat et Ribot). A en croire ceux qui eurent le privilège de le voir galoper, c’est une certitude !!!
 
 
 
 
L’histoire commence par un coup de coeur. Jean Ternynck, industriel dans le textile, est subjugué par la classe du stayer Maurepas qu’il voit devancer Djebel dans le Prix du Président de la République (aujourd’hui Grand Prix de Saint-Cloud). Il se mettra donc plus tard en quête d’un de ses produits, mais sans succès car l’étalon s’avère très peu fertile. Il jettera finalement son dévolu sur une petite jument grise, qui plus est affreuse et maiden en obstacles mais … pleine de Maurepas. Elle s’appelle Couleur, fille du Champion Biribi et de l’infortunée Colour Bar, l’une des nombreuses victimes des bombardements de 1944 en Normandie. C'est un coup de mâitre, car Couleur engendrera Camarée (1000 Guineas St. Gr.1), Camargue (Prix de Malleret). Il y a eu aussi Marmelade, également fille de Maurepas comme ses 2 soeurs mais restée sans performance notable.
 
 

Sea-Bird II
 
 
Croisée au classique Sicambre, Marmelade donna le jour à Sicalade qui, après deux sorties modestes à 2 ans, fut aussitôt orientée sur le haras. Après un premier foal guère enthousiasmant, elle délivre Sea-Bird le 6 mars 1962 au Haras de Victot où elle avait rendez-vous avec Beau Prince II, union de laquelle naîtra son troisième et dernier poulain. Sicalade souffre en effet de problèmes de santé récurrents, qui ne cessent de s’agraver. Elle est cédée à un boucher des Andelys en Novembre 1963…
 
Cette année-là, le yearling Sea-Bird est un alezan brûlé de grande taille, léger et vibrant, affublé de petits pieds et de deux grandes chaussettes postérieures. Il profite des herbages de Notre Dame de l’Isle (dans l’Eure) et attire plus l’attention par sa façon de galoper que par son pedigree, jugé médiocre par son éleveur. A vrai dire, il émane de la première production d’un Dan Cupid qui n’était qu’un faire-valoir au sein de sa promotion, bien que fils du Chef de Race Native Dancer.
 
 
 
 
Sea-Bird est envoyé à l’entraînement chez Etienne Pollet, cousin de Jean Ternynck, qui le débute à l’automne de ses 2 ans sur 1400 m. Très vert, le poulain rate son départ, tarde à venir, et finit en trombe pour l’emporter d’une encolure. Bis repetita deux semaines plus tard dans le Critérium de Maisons-Laffitte (Gr.2), cette fois devant la future lauréate du Prix de Diane (Gr.1) Blabla. Vint ensuite le Grand Critérium (Gr.1) où, privé de la monte de Pat Glennon qui lui avait préféré Grey Dawn II (un élève de Etienne Pollet gagnant des Prix Morny et de la Salamandre), il s’inclinera de peu derrière celui-ci malgré une fin de course spectaculaire. Grey Dawn II est un fils de Herbager, qui avait battu Dan Cupid d’une encolure dans le Prix du Jockey Club…


 
 
 SEA-BIRD fait un canter dans le Derby d'Epsom.
 
 
La saison classique de Sea-Bird commence bien : une rentrée victorieuse par trois longueurs dans le Prix Greffulhe (Gr.2) puis un succès de six longueurs dans le Prix Lupin (Gr.1) devant Diatome (gagnant du Prix Noailles) et Cambremont (tombeur de Grey Dawn II dans la Poule d’Essai des Poulains). Des lignes qui le conduisent tout droit vers Epsom.
 
 
Jean Ternynck leads in his horse Sea Bird II, ridden by Australian ...
Jean Ternynck, éleveur propriétaire de Sea Bird.
 
 
Favori du Derby (Gr.1), portant le numéro 22, Sea-Bird fait un canter. Galopant tête haute à son habitude, rênes courtes, son jockey n’a qu’à ouvrir les doigts pour lui faire prendre le large, avant de le reprendre aux abords du poteau. Les 250.000 spectateurs applaudissent à tout rompre un poulain français... Il faudra attendre Pour Moi, 46 ans plus tard, pour enregistrer une nouvelle victoire française dans le ruban bleu du turf !
 
 
1965 Prix de l'Arc de Triomphe | Sea-Bird | Blast From The Past
Sea-Bird au canter de l'Arc de Triomphe.
 
 
Après avoir dominé ses aînés dans le Grand Prix de Saint-Cloud (Gr.1), Sea-Bird se prépare à affronter un lot d’exception dans le Prix de l’Arc de Triomphe (Gr.1) : l’américain Tom Rolfe (un fils de Ribot gagnant du Kentucky Derby et des Preakness St.), le Champion soviétique Anilin, les 3 ans Meadow Court (facile lauréat de l’Irish Derby et des King George), DiatomeReliance II (Prix du Jockey Club, Grand Prix de Paris), Blabla, etc. Qu’importe l’opposition, Sea-Bird s’envole dans la ligne droite et, bien que penchant sur sa gauche,devance de six franches longueurs Reliance II, lui-même six longueurs devant Tom Rolfe et Anilin
 
 
 
 
Avant cet ultime exploit, l’américain John W. Galbreath avait offert $1,350,000 à Jean Ternynck pour louer le cheval et le stationner durant cinq saisons à Darby Dan (Kentucky), comme il avait fait avec Ribot. De retour en France en 1972, au Haras du Petit Tellier, Sea-Bird succombera l’année suivante d’une crise de coliques, seulement âgé de onze ans.
 
 
 
SEA-BIRD à Orly, pas franchement décidé à recevoir son baptême de l’air…
 
 
Sea-Bird était doté d’un influx nerveux exceptionnel, voire excessif, caractéristique qui a souvent marqué sa production : la Championne Allez France avait besoin de la compagnie d’un mouton pour être gérable, le très doué Gyr aurait peut-être gagné le Derby devant Nijinsky II s’il n’avait été si susceptible, le brillant ArcticTern n’a jamais figuré dans une course précédée d’un défilé, etc. Un temps relayée par le classique américain Little Current, le multiple tête de liste au Chili Mr Long et par Bering, son petit-fils, sa lignée mâle est aujourd’hui en voie avancée d’extinction. Ses exploits, eux, ne seront jamais oubliés !!!
 
 
 

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