Haya Zark : un hommage ne ramène pas la vie, mais apaise la conscience

07/10/2024 - Grand Destin
La France des courses a perdu l'un de ses porte-drapeaux dans le Qatar Prix de l'Arc de Triomphe 2024, la plus belle course du monde endeuillée par la mort d'Haya Zark. Retrouvez l'histoire de ce cheval hors du commun qui aura porté les rêves de toute un entourage très apprécié du public.

 

Il y avait une chance sur un milliard que cela arrive, mais c'est arrivé. Haya Zark est tombé au champ d'honnneur dans le Qatar Prix de l'Arc de Triomphe, le dimanche 6 octobre 2024, tout au fond de l'hippodrome où il a perdu la vie après avoir été arrêté soudainement par son jockey William Buick. C'était le jour de ses adieux programmés, juste avant de démarrer sa nouvelle vie d'étalon au Haras de la Haie Neuve où ce champion local, fils de Zarak entrainé à Senonnes par Adrien Fouassier et monté juqu'à une victoire de Gr.1 à Longchamp, était attendu en grande pompe. Ce devait être un jour de fête pour lui, qui était plus fort que jamais à 5 ans pour la 21e sortie de sa carrière sans jamais avoir connu un pépin de santé. Cheval au tempérament de feu, il était parti pour jouer la gagne, aux avant-postes, avant de reculer soudainement, puis de s'écrouler sous un ciel bas et lourd pesant comme le couvercle d'un gris après-midi parisien.

 


Haya Zark lors de sa victoire dans le Prix Ganay (Gr.1) 2024, sous la selle d'Alexis Pouchin. Photos APRH

 

Une hémorragie, qui pourrait être conséquente à une fracture du bassin (à vérifier suite à l'autopsie), lui a été fatale. Le cheval n'a pas souffert évidemment, mais voir un si bel animal perdre la vie sur la piste aux étoiles laisse toujours une impression horrible. Absolument rarissime, ce type d'accident n'est quasiment jamais arrivé dans le Prix de l'Arc de Triomphe. Le dernier accident fatal remonte à la fracture de l'anglais Polaris Flight en 1996, qui s'est cassé la jambe à l'entrée de la ligne droite en 2001, un an après sa 2e place dans le Prix du Jockey-Club. A ce niveau de compétition, personne n'a oublié, même si cela remonte à presque 30 ans, la mort d'Ubu III le 18 juin 1995, quelques mètres après qu'il ait franchi en facile vainqueur le poteau du Grand Steeple-Chase de Paris. Lui fut victime directement d'une rupture d'anévrisme, qui l'a conduit au trépas en une fraction de seconde.

 


Haya Zark chez Adrien Fouassier à Sennones-Pouancé, monté par son fidèle cavalier du matin Pierre Silloray.

 

Haya Zark était célèbre et populaire non seulement grâce à sa carrière de courses qui s'est étendue sur 4 saisons, un fait assez rare pour un cheval de ce niveau, ayant débuté au moins de juin de ses 2 ans à Saint-Malo avant de briser la glace pour sa 4e sortie en novembre à Saint-Cloud, mais aussi grâce à son si sympatique entourage. Ici, enfin, nous retrouvions une équipe française du genre de celle qui manque tant aujourd'hui au tissu du propriétariat national, et qu'on retrouvait à chacune des sorties ce petit champion qui repoussait toujours les limites de l'exploit.

 


Au côté de Guillaume de Saint-Seine, le président de France Galop, toute l'équipe d'Haya Zark réuni sur le podium du Prix Ganay : de gauche à droite Agathe Fouassier, Odette Fau, Adrien Fouassier, Alexis Pouchin, Georges de la Rochebrochard et André Pommerai.

 

Détenteurs d'un fameux restauraut parisien, le Vieux Paris d'Arcole à 2 ans pas de Notre Dame, dans un style très à l'ancienne qui fleure bon le parfum suranné de la belle époque, Odette Fau et son époux, Georges de La Rochebrochard, sont devenus des figures des courses grâce à la descendance d'une jument miracle, Haya Samma. Acquise au début des années 2000, celle-ci leur donnera notamment Haya Landa, 4e de l'Arc de Triomphe 2012 pour l'entrainement de Sylvie Audon. Plus récemment, Odette Fau a décidé de donner sa chance à un tout jeune entraineur, dès son installation à Senonnes : Adrien Fouassier. Ancien jockey de talent dans l'Ouest, qui avait dû mettre un terme à sa carrière après un terrible accident qui a failli lui coûter la vie, celui-ci s'est lancé en 2019 avec sa femme Agathe, une vrai femme des courses, fille de l'ancien débourreur de Pouancé, Alain Denis.

 


Le jour du Prix Exbury 2023, Adrien Fouassier remporte sa 1e victoire de groupe, mais il n'est pas à Saint-Cloud...et pour cause !

 

Tout deux ont connu une réussite très rapide tout en conservant la tête froide. Ainsi, le jour de sa 1ère victoire de Groupe avec Haya Zark dans le Prix Exbury (Gr.3), le 18 mars 2023, Adrien Fouassier était parti emmener son pensionnaire Bingo de l'Aunay à Lignères-en-Berry dans le Cher, où il avait aussi gagné le Grand Cross, 3e étape du TNC Haras du Lion Genybet !

 


Retrouvez l'interview exceptionnelle d'Adrien Fouassier le jour de sa 1e victoire de groupe avec Haya Zark dans le Prix Exbury (Gr.3), alors qu'il gagnait en même temps le Grand Cross de Lignières avec Bingo de l'Aunay.

 

Mais ce printemps 2024, après avoir repoussé tant de propositions financières, tout le monde avait fait le déplacement à la capitale, ParisLongchamp, pour pleurer de joie au triomphe d'Haya Zark dans le Prix Ganay, où le cheval offrait le tout 1e Gr.1 en plat de son histoire au centre d'entraineur de Senonnes Pouancé, le Cergo. Tout le monde y compris un homme incontournable bien que ne figurant pas sur le programme : André Pommerai. Agriculteur à la retraite active, installé sur la commune de Mée près de Château-Gontier en Mayenne, celui que tout le monde surnomme évidemment "dédé", aujourd'hui important propriétaire-éleveur chez Joël Boisnard, s'occupe de la jumenterie et des produits d'Odette Fau, qui est éleveur sans sol. C'est le lien indispensable de l'homme de la terre, entre les gens de la ville (bien qu'aveyronnais comme tant de restaurateurs parisiens) et les gens des pistes.

 


Adrien Fouassier, ancien jockey aux 650 victoires, à cheval tous les matins.

 

Avant l'Arc, nous avons bien sûr discuté longuement avec Agathe et Adrien Fouassier, ainsi que Odette Fau, Georges de la Rochebrochard et André Pommerai. Agathe était tendue, évidemment, et Adrien avait un gros pincement au coeur, parlant avec beaucoup d'émotion de la dernière fois où il s'apprêtait à seller le cheval qui a lancé sa carrière. Les propriétaires et éleveurs étaient en revanche tout sourire, savourant le moment avec délice. Nous avons choisi de ne pas diffuser les séquences vidéo en question, évidemment par respect pour ceux qui nous les avaient accordées et pour lesquels le visionnage serait trop cruel.

 

 


Haya City (Elusive City), la mère d'Haya Zark, avec son dernier produit, une femelle d'Anodin née en 2024.

Haya Zark laissera donc un grand souvenir à tout ceux qui ont suivi son histoire de prèsou de  loin, en reconnaissant que le rêve d'avoir un tel cheval sous leurs couleurs étaient accessible. La suite se situe maintenant dans l'élevage. Haya Zark était le 2e produit d'Haya City, qui a échoué en 3 tentatives mais qui fut conservée poulinière en raison de son pédigre. Cette dernière a eu ensuite une autre fille de Zarak, nommée Zarkhaya, inédite et aujourd'hui suitée à 4 ans pour la 1ère fois d'un foal d'Anodin. Les "Fau" ont pris un abonnement à l'étalon de Tangi Saliou au Haras de la Haie Neuve. Ainsi, Haya City a un yearling d'Anodin né en 2023 et une foal d'Anodin née en 2024. Haya City a été saillie par Vadeni ce printemps.

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