La chronique facebook : St Nicholas Abbey semblait immortel
Saint Nicholas Abbey, lors de sa toute dernière sortie et son ultime victoire, à Epsom dans la Coronation Cup.
S'il avait été cheval de guerre, il aurait été le premier à piaffer devant les assauts, et le dernier encore debout sous les tirs et les entrechoquements des sabres. À lui seul, il aurait porté les batailles, et contribué aux plus grandes victoires. Ses cavaliers confiants auraient été audacieux, et tous ceux qui se hissaient sur son dos en seraient descendus grandis, et victorieux. Mais St Nicholas Abbey est né bien après les tourments des siècles passés. Le bâton a remplacé la lame dans le fourreau, le cavalier s'est fait léger et discret. Le cheval, à la destiné de compétiteur, peut aujourd'hui s'exposer à la lumière, et briller au grand jour sur une piste vierge de tous dangers, sans crainte, sans imprévisibles détonations, mais avec toujours autant de hargne.
Il était entré dans mon cœur dès ses premières galopades. Il n'avait que deux ans, mais tout en lui annonçait un avenir somptueux, et les rêves, naturellement, s'installaient dans mon esprit. Puisqu'il vivait outre-manche, les guinées et le derby s'offraient à lui. Cependant, il perdait son invincibilité dès la première de ces sorties. Blessé, il disparut des pistes pour une année, et laissa une impression déchue, et inachevée. Contraint de n'être plus qu'un souvenir, il se fit oublier. Seul, immobilisé dans son boxe, il vit les classiques défiler les uns après les autres, et la gloire lui échapper à jamais.
De retour à quatre ans, le poulain se donna corps et âme, assoiffé de revanche. Insatiable, il se lança à l'assaut des plus grands rendez-vous internationaux, et s’octroya le titre de champion des champions. Il ne gagna pas toujours, mais devança les compétiteurs les plus renommés sur chaque continent. Il remporta une Breeder's Cup en Amérique, la Sheema Classic dans le désert de Dubaï, se tenta par deux fois dans le Prix de l'Arc de triomphe et établit sa légende par trois Coronation Cup sur la douce pelouse d'Epsom.
C'est sur ce dernier exploit que St Nicholas Abbey disparut des hippodromes. Non pas qu'il n'en voulait plus, bien au contraire, mais il se fractura un paturon tandis qu'il s'entraînait pour les grandes compétitions estivales. S'en suivit le plus grand combat de sa vie. Seul, face à lui-même. Le cheval survécut à une première crise de coliques, puis aux fourbures dues à l'immobilité. Il y a quelques semaines encore, les nouvelles étaient réjouissantes, et le cheval plâtré parvenait à se dégourdir les jambes sur quelques mètres, soutenu par le monde entier. Son regard de guerrier avait laissé place au calme et à la douceur de ses pupilles, mais il semblait tout de même épuisé.
St Nicholas Abbey fut emporté mardi dernier d'une ultime crise de l'estomac, si sévère qu'elle ne put être atténuée.
Depuis, les hommages affluent de chaque côté de l'Atlantique, soulignant le courage de celui qu'on admirait tous.
Mais contrairement à ce qui est dit, St Nicholas Abbey n'a jamais perdu la bataille. Il y a une semaine encore, il était sur ses quatre jambes, et les croupes féminines et les prairies verdoyantes s'offraient à ses yeux telles un avenir doucereux.
La nature nous l'a repris, comme toujours, bien avant qu'on ait pu lui dire adieu. Retrouvez tout "And They're off" sur facebook.
Les dernières images de St Nicholas Abbey, en octobre 2013, alors que tous les espoirs étaient permis...