Nouveau roman en série de Guillaume Macaire : chapitres 24 et 25

14/07/2021 - Actualités
Entrez dans le dernier tiers du 3e romain de Guilaume Macaire, " les hommes dans l'action, les femmes dans la continuité". au fil des 2 chapîtres proposés ci-dessous, suite au terrible accident subi par le jeune jockey Juan Bautista, on retrouve le terrible Red Fernand qui fomente le " plan Biche Noire" pour se refaire après sa dernière dérouillée. Avec Dynavena.
 
 
Résumé du 1er roman : l'un des top jockeys de plat en France, Jean-Barnabé Ermeline se préparait à disputer avec une 1ère chance le Prix de l'Arc de Triomphe en selle sur son champion Enigmatique. Mais à la suite d'aventures rocambolesques, il se retrouve à l'hôpital avec une balle dans la cuisse. Télécharger " A Cheval, à pied ou en voiture. "

 
 
 
 

CHAPITRE 24 : DE GARCHES à DEAUVILLE

 
Ana elle, n’eut pas d'autre solution que d'accepter la compagnie et surtout l'aide opportune que lui offrait la présence de cet homme qui était en fait une de ses relations hippiques. Elle l'appelait Bruno et, comme elle en son temps, il avait été un brillant cavalier de course dans le rang des amateurs Helvètes, atteignant la récompense suprême du circuit Fegentri : le « golden spur ». Intrépide, il avait gagné en steeple-chase sur tous les hippodromes européens d'Auteuil à Pardubice en passant par les autres pays de l'Est, la Belgique et la Suisse bien sûr, son pays natal où il jouissait encore d'une certaine aura. Les gens de course n'avaient pas non plus oublié ses succès en ski joëring sur le « white turf » de l'hippodrome de Saint-Moritz. Ses couleurs y brillaient encore régulièrement même s'il ne les endossait plus lui-même. Quelques années auparavant, quand Ana se produisait sous la casaque, il avait nourri pour elle une certaine passion toute platonique, et il est clair que si elle avait dit oui, il n'aurait pas dit non !
 
Ils décidèrent de partir pour Deauville en quittant l'hôpital de Garches. Ainsi, en faisant étape là-bas ils seraient à pied d’œuvre pour inspecter les chevaux de la vente de bonne heure le lendemain matin.
Chemin faisant, Ana repensait à ces dernières heures et se demandait comment la vie pouvait offrir des paroxysmes aussi extrêmes en un temps aussi court ? Elle avait déjà payé un lourd tribut au Dieu des courses avec l'immobilisation définitive dans un fauteuil roulant de celui qui avait été un mari éminemment actif, cavalier accompli dans de nombreuses disciplines. Après ce jour funeste, sa vie avait perdu jour après jour de son éclat, de sa saveur, de son intérêt. Même si elle était à l'abri du besoin, la vie de garde-malade dans ce grand château austère perdu au beau milieu de la campagne polonaise lui avait fait perdre une grande partie de sa joie de vivre. S'occuper de l'écurie de courses et  supplanter son mari avait été des palliatifs qui lui avaient permis de ne pas s’étioler complètement. Elle savait bien que son aventure avec Juan Batista en était un autre. Leur âge et leur statut social les séparaient complètement. Seuls les chevaux et les courses les avaient réunis. Mais elle ne culpabilisait aucunement. C'était sa façon à elle de redonner un sens mais surtout un goût à sa vie, même si elle ne se faisait aucune illusion quant à l’avenir de leur relation. La présence de Bruno l'empêchait de sombrer dans une forme de tristesse déprimante, elle qui avait espéré, pendant ces quelques jours de vente deauvillaises, continuer à profiter d’un peu de bonheur et d'évasion dans cette bulle, un peu artificielle certes mais qui lui faisait tant de bien. La villégiature n'aurait pas le même goût à présent...
 
Elle se confia un peu à lui. C'était un homme fin et capable de comprendre sans jugement préconçu une pareille situation.
« Nous prendrons de ses nouvelles demain en fin de matinée, les médecins auront fait le point, mais ils n'ont pas l'air trop inquiets, avez-vous senti ? »
 
Ana se contenta d'une mimique à l'adresse du regard interrogateur de Bruno.
 
 
CHAPITRE 23 : UNE BICHE NOIRE AU PETIT SAINT JEAN

 
Red Fernand se remettait très doucement du passage à tabac que lui avaient infligé les hommes de main de ses commanditaires. Il avait, certificat médical à l'appui, prit quelques jours d'arrêt qu'il mettait à profit pour se retaper d'abord, et ourdir une nouvelle opération. Il était bien décidé à leur faire comprendre que cette fois-ci serait la dernière, qu’il n'avait plus l'âge de se faire traiter comme un blanc-bec. Quand il reçut leur appel, il exprima clairement ses desideratas. Leur seule préoccupation était qu'il leur fabriquât un favori incapable d’honorer son statut.
 
Red Fernand leur promit d'accéder à leurs volontés d'ici peu. Il avait son idée. Il y avait une pouliche nommée Biche Noire chez Torres Meca qui découvrait un engagement de choix dans quelques jours. Red avait consulté la liste des engagements et il était clair qu'elle courrait seule. Sur l'échelle des valeurs, elle était presque dix kilos au-dessus de la meilleure du lot, disons plutôt de la moins mauvaise. Il faut dire que cette pouliche, pourtant d'une certaine qualité, avait joué de malheur tout au long de la saison. Malade au printemps, elle avait ensuite été emmenée par un concurrent incontrôlable à l'extérieur de la piste alors qu'elle avait la course à sa merci, puis, elle gagna une course mais son apprenti avait oublié de se peser.
 
Elle fut donc disqualifiée de fait. Et lors de sa dernière course, elle connut des problèmes de trafic dans un handicap touffu où« emmurée vivante » tout au long de la ligne droite, elle ne se dégagea qu’in extremis pour finir en trombe, mais trop tard et arracha une troisième place sur le poteau. Compte tenu de tous ces éléments, elle allait partir chaude favorite.
 
À part Biche Noire, très au-dessus du lot, seule une pouliche sortait de l'ordinaire et était assurée d'être seconde à moins d'un événement extraordinaire…mais aux courses ! C'était quand même le scénario idéal avant le coup. « Du velours » pensait Fernand. Cette opportunité était pour lui la dernière pour satisfaire ces malfaisants qui lui avaient promis le pire s'il ne s'exécutait pas.
 
Pour ce faire, il fallait absolument qu'il se retrouve seul avec la pouliche lors de son voyage. C’est pourquoi il était impératif qu’il puisse écarter Jean Barnabé du circuit... Et sur ce point-là, c'était plus qu’hasardeux. Il avait une petite semaine pour trouver une solution pratique. Elle mûrissait gentiment.
 
Jean-Barnabé avait été profondément choqué en assistant en direct à la chute de son fils. En une fraction de seconde, une vie pouvait basculer... Il avait connu des situations intenses lui aussi et également suivies de séjours dans les hôpitaux. Il compatissait, souffrait pour son fils dont la carrière allait peut-être s'arrêter net. Cet imprévisible accident allait, même si les médecins lui avaient assuré que son pronostic vital n'était pas engagé, le faucher via la glorieuse incertitude du turf. Jean-Barnabé en était dévasté bien qu'il garda l'espoir d’un dénouement heureux chevillé au corps, pensant aux heures mouvementées qui furent les siennes autrefois. Pour ne pas affaiblir son moral, il décida de ne pas aller à Garches tant que son fils ne serait pas sorti du coma où il avait été plongé par la faculté. C'était normalement prévu pour la fin de la semaine, aux dernières nouvelles l'hématome cérébral s’étant déjà en partie résorbé.
 
À part Biche noire qui devait courir en nocturne à Amiens samedi soir, il n'y avait pas de partants prévus en cours de semaine et normalement, il ne devait pas travailler. Mais Jean-Barnabé tenait à s'occuper l'esprit et les mains en venant à l'écurie. Il y avait beaucoup à faire, mettre de l'ordre dans sa sellerie de courses, laver le camion, désinfecter l'intérieur de la partie réservée aux chevaux, le conduire au garage pour faire la vidange ainsi que graisser une serrure récalcitrante de la porte du pont latéral.
 
Depuis l'épisode Talmondais, on était sur ses gardes dans la maison Torres Meca. Le patron avait fait changer les serrures des portes extérieures de son camion à deux stalles. La remorque que l'on attelait, quand il y avait un ou deux partants de plus à conduire aux courses, avait été pourvue de cadenas à toutes fins utiles, d'autant que la semaine précédente, au feu rouge à Sarcelles, un jockey se rendant aux courses s’était fait « sortir » de sa Mercedes, volée sur l’instant. Javier Torres Meca, un peu parano sur les bords, avait décrété que dorénavant tous les chevaux ainsi que les hommes voyageraient « sous clés ».
 
C'était un détail que Red Fernand ignorait et qui risquait de mettre en péril son « plan Biche noire ». Pour être sûr que cette dernière ne puisse faire l'arrivée, il lui fallait user de son procédé le plus efficace, c'est-à-dire faire ingurgiter à la pouliche une dose suffisamment importante de bicarbonate pour réduire ses chances à néant, et ce, trois ou quatre heures avant la course.
Avec le concours d'un aide de camp toujours prêt à tout (ou presque) en échange d'un ou plusieurs billets de couleur verte, il échafauda son plan. Pour aller à Amiens, il fallait d'abord emprunter l'autoroute A1 jusqu'à Roye et sortir direction l'hippodrome du petit Saint Jean. Red Fernand avait convaincu son acolyte d'aller perturber le passage des véhicules à l’entrée de cette bretelle où l'accès était réduit pour cause de travaux.
 
« C'est simple, lui dit Fernand, tu attends que le van se pointe dans ton rétro à la sortie de Senlis, tu démarres et tu t'arranges pour être juste devant lui dans la file où on prend un ticket. »
«  D'accord, pour l'instant c'est facile. Et après ? »
« Quand tu es devant la barrière, tu fais mine de ne pas pouvoir redémarrer et tu viens le trouver dans sa cabine pour lui expliquer que tu es en panne et qu'il faut qu'il fasse machine arrière. Tu lui demandes de l'aide, bref tu l'occupes pour que je puisse monter dans le camion par la porte arrière. »
« Combien de temps je dois le retenir ? »
« Le plus longtemps possible bien sûr, mais trois ou quatre minutes feront l'affaire. »
« Comment iras-tu là-bas ? »
« C'est toi qui va me déposer préalablement et je rentrerai avec toi sur Chantilly plus tard. Le plus important c'est que tu l'occupes pour qu'il ne me voie pas dans ses rétros quand je viendrai à l’arrière du camion pour monter dedans, et surtout assure-toi que je sois redescendu avant qu'il ne reparte ! » expliquait-t-il en riant pour faire le type sûr de lui.
« Ok dit l'autre je crois que j'ai compris. On fait ça quand ? »
« Samedi début d'après-midi, je pense qu'il ne quittera pas à Chantilly avant midi trente puisqu’il s’agit d’une réunion en semi nocturne. »
La complication pour Fernand eut été que le père et le fils voyagent ensemble pour aller à Amiens, mais de ce côté-là il était tranquille car le nom de Juan Bautista Martinez ne figurait pas sur le programme vu qu'il était sur celui des registres de Garches.
 
Le lendemain, lors du coup de fil qu'il attendait fébrilement, Red Fernand annonça que tout était prêt pour le samedi. « Ses clients » firent un peu la fine bouche quand ils entendirent parler d’Amiens mais Fernand leur fit bien comprendre que c'était ça ou rien. Tout compte fait, ce n'était pas plus mal qu'il ne dût reprendre son travail que le lundi suivant au vu de son arrêt de travail. Ainsi pensait-il, son absence de l'écurie ne le relierait pas à Biche Noire et ses nouveaux malheurs.
Quand il arriva le samedi matin au péage de l'autoroute A1, Fernand eut une mauvaise surprise et ce n'était que la première. Une nouvelle voie de circulation avait été ouverte ! Il allait donc falloir à son acolyte toute la maestria d'un as duvolant pour être sûr de se retrouver devant le camion conduit par Jean Barnabé. Le pilote en question n'en parut pas affecté et il laissa Fernand arrimer son sac à dos dans lequel étaient rangées ses seringues buccales déjà remplies de leurs solutions,symboles pour lui de la fin de ses problèmes, du moins momentanément.
 
Tout se passa à peu près comme convenu sauf que le flot de circulation peu dense à cette heure du déjeuner risquait de mettre le plan en péril. Sur ce point précis tout se passa bien, mais Fernand crut défaillir quand il vit qu'il lui était impossible d'ouvrir la porte arrière du van malgré tous ces efforts !
La mort dans l'âme, il abandonna sa tâche alors que le camion repartait puis il obligea son factotum à le suivre pendant qu'il réfléchissait un plan B.
 
Ils pénétrèrent sur l'autoroute et eurent tôt fait de rejoindre le camion. Au bout de quelques kilomètres, sur le ruban noir de l’asphalte, ils abandonnèrent la partie et, du rouge habituel de son teint, Fernand, sans idées nouvelles, devint vert en pensant à ce qui l'attendait car il n'avait, une fois encore, aucun moyen de prévenir ses clients de suspendre leur investissement ! Il ne lui restait plus qu'à espérer que cela se passe mal pour Biche noire au petit Saint Jean…
 
À Deauville, la Comtesse ne trouva rien à acheter pour Tor Sluzewiecpour l'année à venir. Bruno lui, s’était trouvé un animal avec qui il espérait bien briller sur l'hippodrome lacustre de Saint Moritz en février prochain.
« Je le ferai monter à ton petit protégé ! D'ici là, il sera sur pieds » dit-il pour  redonner à Ana un peu de moral et l'envie de venir à Saint Moritz avec la joie de revoir son Juan Bautista.
Ils rejoignirent Paris dans la voiture de location de Bruno et à l’aéroport chacun prit son vol de retour, direction Zurich pour Bruno et Warsow pour Ana.
L'hiver risquait d'y être long !
 
 

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