Lope de Vega : le Jockey Club de père en fils

03/06/2024 - Grand Destin
Si ce n'est son propre père Shamardal, Lope de Vega est sans doute le meilleur étalon vainqueur de Jockey Club sous la formule 2100m au Haras, et l'a prouvé hier en donnant le jumelé gagnant du classique. Tout va bien dans le meilleur des mondes pour la star de Ballylinch Stud, qui connaît un destin sans accroc au Haras, même si ce ne fut pas le cas en piste. 

Look de Vega, un gagnant de Jockey Club déjà dans les mémoires, et la consécration pour son père Lope de Vega (aprh)

 

Un simple coup d'oeil au pedigree du jeune champion Look de Vega nous apprend qu'il était quasiment prédestiné pour remporter le Prix du Jockey Club (Gr.1). Issu de la proche famille de Lawman, vainqueur en 2007, petit fils de Shamardal, premier lauréat du classique sous sa version 2100m, et fils de Lope de Vega, l'histoire était presque écrite. Depuis 2005, et le raccourcissement de la distance du Jockey Club, la course est devenue référence en matière d'étalons. Depuis bien longtemps certes, de grands vainqueurs comme Sicambre, Right Royal, Darshaan, ou encore Montjeu, étaient devenus des références des pedigrees. Mais depuis 2005 seulement, Shamardal, Lawman, Lope de Vega, Intello; New Bay, et même quelques placés sur le podium à l'image de Zarak, sont des étalons qui comptent beaucoup dans le paysage des courses européennes.  

 

Lope de Vega, il y a 14 ans avec Maxime Guyon dans un Prix du Jockey Club resté dans les mémoires

 

Auteur du jumelé hier avec Look de Vega et First Look, Lope de Vega est devenu le premier lauréat de la course depuis son propre père Shamardal a donner un vainqueur du classique cantilien. Cette victoire de Shamardal en 2005 avait déjà beaucoup d'importance, au delà du symbole. Elle montrait qu'un gagnant de Poule d'Essai pouvait ensuite aller sur le Jockey Club avec de vraies prétentions sans parler de la distance, et a mis la course dans une dimension à part, à tel point qu'elle pourrait presque éclipser aujourd'hui le Derby d'Epsom, disputé la veille. Surtout, Shamardal est devenu un étalon leader en Europe, et a amené un vent de fraîcheur dans les pedigrees avec ses courants de sang très américanisés, et une solution totalement "outcross" à Sadler's Wells. Lope de Vega, son meilleur fils au Haras, et sans doute avec son père le meilleur étalon gagnant de Jockey Club sur 2100m, est lui même un animal avec un destin. 

 

Shamardal, le grand-père de Look de Vega, lui aussi une légende du Jockey Club en remportant la 1ère édition disputée sur 2100m, en 2005 (aprh)

 

Si Lope de Vega n'a jamais connu un seul accroc au Haras, il a eu une carrière en dents de scie, parfois impressionnant comme une légende du turf, mais sombrant aussi sans trop de raisons visibles. On parle d'un cheval capable de gagner la Poule d'Essai et le Jockey Club à la suite en se tordant de rire, puis d'être invisible dans le Jean Prat et le Moulin de Longchamp. André Fabre, qui a eu sous sa coupe tant de champions, l'a pourtant lui même placé parmi les meilleurs qu'il ait jamais entraîné. Il avait tant de confiance en son grand alezan au look de déménageur qu'il le présente dans l'Arc. Dans la fausse ligne droite, tous les espoirs sont encore permis pour Lope de Vega, avant une triste déconfiture. D'abord, il se fait éponger par Duncan, qui le sort de la boîte d'un coup et le force à avancer sur la ligne de tête. Après cet effort prématuré, Lope de Vega se fait écraser à mi ligne droite entre Fame And Glory et le futur gagnant Workforce. C'en était trop, et cela signera la triste fin d'une carrière auréolée de gloire, mais qui nous aura presque laisser sur notre faim tant il avait montré des éclairs de génie. 

 

Lope de Vega à Ballylinch Stud

 

Malgré ces grandes victoires, et son pedigree de premier plan, Lope de Vega a été un vrai pari pour John O'Connor de Ballylinch Stud. Lui croyait dur comme fer en Shamardal, qui n'était pas encore devenu la grande star que l'on connaît. Lope de Vega faisait en effet partie de sa toute première génération. Surtout, Lope de Vega a un physique atypique, jaune avec beaucoup de blanc, un dos assez long, et la "grosse tête des Shamardal". Mais quand vous voyez l'animal en mouvement, il est difficile de ne pas tomber sous le charme, tant il marche avec un équilbre parfait, de la puissance et de l'assurance. Peut être même un peu trop chaque fois, car il est réputé pour ne pas toujours être sympathique avec ses étalonniers...

 

 

Lope de Vega a démarré à 12 500 € la saillie, prix aujourd'hui multiplié par 10, à la faveur d'une succes story sans fausse note dans sa seconde vie. Il a d'emblée brillé en première génération avec des chevaux "vites et précoces", là où on ne l'attendait pas, et avec un gagnant de Gr.1, Belardo. Lope de Vega a en effet toujours réussi à donner des produits avec beaucoup de vitesse, mais aussi, et le temps l'a prouvé, des cracks sur 2000m et plus. Il a des gagnants de Gr.1 sur 4 continents, connaît une réussite phénoménale dans l'hémisphère Sud, aux Etats-Unis, où la vitesse de croisière et le goût du bon terrain de ses rejetons font l'unanimité, mais peut aussi briller dans les classiques européens et les pistes plus souples. En somme, les Lope de Vega savent tout faire, et c'est la marque des très grands étalons. Il est aujourd'hui un pilier du top 5 européen, et une réussite à l'échelle mondiale. 

 

 

Ce printemps 2024 est particulièrement faste pour lui, et sur notre sol surtout, avec la gagnante de la Poule d'Essai des Pouliches Rouhiya, et donc le jumelé du Jockey Club, ce qui porte son total à 21 gagnants de Gr.1 individuels. Tout cela, en se disant que ses générations à venir seront logiquement très bonnes, avec ses productions conçues au dessus des 100 000 € la saillie, et donc une jumenterie de haut niveau. A 17 ans, Lope de Vega a laissé bien loin derrière lui les quelques mésaventures qui ont pu ponctuer sa carrière de course. A tel point que celle-ci a presque été éclipsée par son destin d'étalon. Tout va bien dans le meilleur des mondes. 

 

 

 

 

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