Isle Briand pour Ikigai : Une machine de guerre au destin particulier

Du concours complet aux groupes pour AQPS, il n'y a qu'un pas avec Aurelien Kahn !

Que ne sait pas faire Aurélien Kahn avec un cheval ? Lui qui a été l'un des meilleurs cavaliers de complet en France, gagnant de plusieurs internationaux dont le Mondial du Lion, et a même participé aux J.O en 2012, fait partie de ceux qui ont fait le pont vers les courses. Installé comme débourreur et pré-entraîneur, il a récemment rejoint le centre de Dragey, et a même lancé un parcours de formation unique en son genre, pour obtenir le titre de "cavalier de pré-entraînement, option débourrage". En bref, les idées fusent et le temps file, mais Aurélien Kahn trouve quand même le temps d'entraîner ses propres pensionnaires en petit effectif. 

La puissante Ikigai remporte le prix de l'Isle Briand sous la selle de Thibault Speicher 

Très axé sur la race AQPS, dont il s'est fait presque une spécialité, Aurélien Kahn avait gagné en 2019 le Prix de l'Isle Briand (Gr.3) avec un certain Gingermix. A l'époque, ce fils de Sunday Break à l'origine complètement fantôme lui avait fait vivre une belle épopée, lui qui n'avait pas un gagnant dans la famille, mais qui lui avait été confié par une ancienne camarade d'école retrouvée par hasard ! 2 ans après, Aurelien Kahn a retrouvé son titre dans le premier groupe AQPS de la jeune génération avec une toute autre bestiole, une grande machine grise presque blanche nommée Ikigai. Gagnante pour ses débuts à Senonnes, cette splendide pouliche au physique détonnant avait ensuite pris 2 places avec quelques excuses, et a remontré son vrai visage hier pour vaincre, aidée par un changement de vitesse peu commun pour une telle carcasse !

Joel Denis avec la belle Ikigai version yearling, au Chaser Day 2019

Sa robe grise déjà immaculée, Ikigai la tient de sa mère Laurana, elle-même fille de l'obscur Badolato. Ce cheval qui fut installé au Haras du Grand Chesnaie avant qu'il ne soit repris par Frank Lamy et Christophe Berthelot, n'avait quasiment pas sailli, et était réputé très difficile. Il a très peu produit, et Laurana a été finalement l'une de ses meilleures filles, gagnant 8 courses chez Jacques Montaudoin dans le Centre-Est. C'est ainsi que Joel Denis, installé à Aurouer dans l'Allier, l'a récupéré : " J'ai connu Jacques Montaudoin tout jeune car j'étais à l'école avec son fils. C'est grâce à lui que j'ai découvert les courses, et il m'a mis à cheval. Jacques était un super entraîneur, qui se coltinait un peu les chevaux dont personne ne voulait. Il avait pas mal de résultats avec ! A l'époque de Laurana, il avait arrêté de courir en obstacle. Elle avait été l'une de ses dernières poulinières, et il avait eu du mal à s'en séparer. Pour l'anecdote, son arrière-grand mère Berezina a été la toute première jument que j'ai montée le matin !

Et oui, lui qui est un ancien cavalier émérite, ayant eu l'honneur d'être associé le matin à des cracks comme Fast Topaze, Joel Denis est revenu aux fondamentaux et s'est installé éleveur dans l'Allier, avec une belle réussite. Avec une large jumenterie, il a su créer de belles associations, comme sur Ikigai : "J'ai récupéré Laurana à Emmanuel Clayeux et Clotilde de Barmon pour une bouchée de pain. Ils sont restés co-naisseurs du produit à suivre, en l'occurence Ikigai. Mannaig de Kersauson, qui est d'ailleurs la nièce du célèbre navigateur Olivier de Kersauson, cherchait à avoir une jument pour le plaisir avec son compagnon Antoine. Je leur ai vendu la moitié de Laurana. Ikigai est leur toute première partante...C'est une belle histoire." On peut dire que pour un premier partant, ça se passe plutôt bien !

Ikigai est issue de l'ultime génération de Sinndar, phénoménal champion en piste qui a globalement déçu au Haras quand on se réfère au cheval de course qu'il était. Elle est née 9 ans après le premier produit de Laurana, le bien connu Valadom, encore gagnant en Angleterre à 11 ans l'an passé pour Richard Hobson ! Si Valadom est un fils de Dadarissime, oncle de Montjeu qui a été une catastrophe absolue au Haras, Laurana est ensuite allée à Voix du Nord et Khalkevi, sans pouvoir faire de bons chevaux. Née lorsque sa mère avait 19 ans, Ikigai n'est que son 4e produit ! Elle est suivie d'un mâle de Petillo nommé Kalhandrion, que Joel Denis considérait comme l'un de ses plus beaux foals en 2020. Cette année, un mâle de Pour Moi est né, et s'est classé 1er de sa section au Chaser Day, concours auquel Ikigai avait été 2e des yearlings. Elle est actuellement pleine de Headman. Notons qu' Ikigai a fait ses premières armes chez Casimir Zacharias, débourreur/pré-entraîneur installé dans l'Allier aux Ecuries du Grand Taillis. Il connait aussi une superbe année. 

Voici le petit frère de Ikigai, photographié il y a 1 semaine chez Joel Denis

A 22 ans, Laurana est donc une jument au destin atypique, mais très aimée par ses co-propriétaires... et elle le leur rend bien ! Si son origine maternelle est complètement fantôme là encore, elle a su produire bien mieux, et est désormais mère de black-type ! Joel Denis quant à lui, poursuit une année sympathique avec ses 3 ans, comme la gagnante Idylle Fleurie, ou encore Iwa, qui a débuté de belle manière récemment à la 2e place d'une course de haies. Il sort ici un 2e cheval de groupe après Bon Augure, un AQPS gris présenté au Chaser Day, et qui avait commencé sa carrière par de brillants résultats en plat.... Tient donc, ça vous rappelle pas une certaine Ikigai ?...

Note: Au Japon, l'Ikigai représente en quelque sorte le secret du bonheur, que l'on traduit par "Vie" pour Iki et "Qui vaut la peine" pour Gai : "sens de la vie, ce qui vaut la peine de se lever".