Un Prix Robert Papin sans français au départ : mais où sont nos 2 ans ?

15/07/2024 - Actualités
Malgré le niveau d’allocations et les 80% de primes, les courses de 2 ans du premier semestre, et surtout celles de Listed et Groupe peinent à attirer des partants. Dimanche, aucun cheval entraîné en France n’était au départ du Prix Robert Papin (Gr.2), dont l’allocation totale s’élevait à 227 500 € si l’on compte les primes ! 

 L'anglais Arabie domine un Prix Robert Papin sans français au départ ©Scoopdyga


Fait rarissime, voire inédit, il n’y avait aucun cheval entraîné en France dans le Prix Robert Papin édition 2024. Parmi la trentaine de poulains et pouliches engagés, on ne dénombrait que 3 tricolores. Ainsi, six chevaux britanniques et un italien avait fait le déplacement pour se partager les 130 000 € alloués dans ce Gr. 2.  A l’heure actuelle, 5 épreuves de Groupe et Listed ont eu lieu en France pour la génération des 2 ans sur le sprint. Parmi les chevaux au départ, seuls 15 étaient entraînés en France contre 23 à l’étranger, pour l’écrasante majorité en Angleterre. Pourtant, notre système d’allocations et de primes à 80% pour les jeunes chevaux est le meilleur d’Europe. Quelles sont les raisons qui peuvent expliquer ce paradoxe ?
 
 
 Apollo Fountain, le seul 2 ans français vainqueur de course principale cette année sur le sprint ©APRH 
 
 
Comme souvent avec ce genre de questions sur des grandes tendances, il n’y a pas de réponse claire, mais un ensemble de pistes qui peuvent tenter d’expliquer ce phénomène. La première raison pourrait être la philosophie des entraîneurs hexagonaux vis-à-vis de leurs jeunes pensionnaires. Les chiffres montrent que le nombre de 2 ans à l’entraînement est en légère hausse ces dernières années. Les entraîneurs ont les chevaux dans les boxes mais ne courent pas ou peu les premières courses pour 2 ans. En France, les Groupe pour 2 ans, à l’exception du Prix Morny n’ont pas le même prestige que les courses de 3 ans sur le segment dit classique, soit sur des distances oscillant entre 1600 et 2100 mètres.
 
 
Lors des 13 dernières années, seul Earthlight est parvenu à battre les étrangers dans le Morny ©APRH
 
 
Il y a quelques jours se déroulait le meeting de Royal Ascot. Durant la plus prestigieuse semaine du galop anglais, les quatre épreuves de Groupe pour 2 ans en ligne droite (Albany, Queen Mary, Coventry, Norfolk Stakes) sont autant voire plus prestigieuses et prisées par les professionnels, que les Grs.1. Chacune de ces courses avait réuni en moyenne 19 partants contre 8 pour les courses de Groupe et Listed de la génération en France. Chez nous, les bons chevaux sont préservés durant la première partie de l’année, et débutent au plus tôt en août à Deauville. Ainsi, la plupart des partants dans les courses de 2 ans du premier semestre ne sont pas assez bons pour rivaliser avec les visiteurs dans les courses principales. Outre-Manche, et surtout en Angleterre, c’est plutôt l’inverse. Un cheval montrant des moyens le matin et étant assez mature physiquement ira aux courses en avril, mai, juin.
 
 
   En Angleterre les sprints pour 2 ans attirent souvent plus de 20 partants
 
 
Cette philosophie plutôt conservatrice et avec une ambition classique, se traduit également en termes d’élevage. A leur entrée au haras, un bon nombre d’étalons sont qualifiés de « vite et précoce », mais sur le long terme force est de constater qu’ils sont relativement peu à performer sur ce créneau. Là où outre-Manche, des chevaux comme Mehmas, Havana Grey, Dark Angel, No Nay Never, Sioux Nation sont des spécialistes pour produire des bolides de 2 ans, en France peu d’étalons peuvent soutenir la comparaison. Capable de tout faire, Siyouni transmet beaucoup de vitesse et de qualité à ses produits, et s’illustre souvent avec ses deux ans. Mais sur ce créneau du sprint et de la précocité, le meilleur chez nous est sans conteste Goken, suivi de chevaux comme Gutaifan et Muhaarar. Les jeunes, City Light, Hello Youmzain et Wooded peuvent s’affirmer avec le temps comme des références pour produire des 2 ans.
 
 
 
 Goken, l'étalon alliant vitesse et précocité "made in France" ©Zuzanna Lupa
 
 
Avec plusieurs centaines de milliers d’euros d’allocation qui ont déjà été versés à des entraîneur anglais dans ces courses pour 2 ans, quelles sont les solutions pour rectifier le tir ? Malgré les primes et les allocations généreuses, le nombre de chevaux entraînés en France dans ces courses pour 2 ans n’augmente pas. France Galop ne peut pas forcer les entraîneurs à courir. Ils ne sont que 4 seulement à avoir engagé un cheval dans le Prix Morny, contre 33 anglo-irlandais. De par la méthode d’entraînement et l’attrait modéré des entraîneurs français pour ces courses de sprint (même chez les chevaux d’âge), il parait peu envisageable que cette tendance change malheureusement dans les années à venir. 
 
 
   Un changement de paradigme est-il envisageable en France concernant les courses de 2 ans sur le sprint ? ©APRH

Voir aussi...