L'histoire de DNA Pedigree: Eleanor, le Derby au féminin

11/03/2020 - Grand Destin
Meeting de Cheltenham oblige, Thierry Grandsir (DNA Pedigree) décide de prolonger son séjour en terres britanniques afin de vous conter l'histoire d'une pouliche répondant au doux nom d'Eleanor, dont la beauté n'avait d'égale que sa classe en piste, elle qui peut se targuer d'avoir remporté les Oaks (Gr.1) et le Derby (Gr.1) en l'espace de 24h (!) à la fin du XVIIIe siècle.

 

Eleanor (f. b. 1798-1824), par Whiskey et Young Giantess (Diomed)
 
 
Dans une autre histoire notre dédiée à Diomed, nous vous avions conté les circonstances de l’attribution du nom de la course qui deviendra l’épreuve reine du sport hippique. Lord Derby et Lord Bunbury ont lancé une pièce de monnaie dans les airs et la chance sourit au premier nommé : la course fut baptisée le Derby, et sa version inaugurale remportée par Diomed, propriété de … Lord Bunbury !
 

 
Sir Thomas Charles Bunbury était un membre du Jockey-Club dont l’élevage, sis à Barton Hall, exerça une grande influence sur la race pure. Acheteur avisé, il avait acquis le précité Diomed avant d’intégrer en son haras l’étalon Whisker, un cheval combinant les sangs de Eclipse, Herod et Matchem. Mais l’un de ses meilleurs achats fut sans doute la pouliche Giantess, une fille de la longiligne Molly Long Legs qui lui offrit trois victoires avant d’engendrer Young Giantess, une fille de Diomed inefficace en compétition mais poulinière de grand standing.
 
Sir Charles Bunbury présenta la jument Young Giantess à l’étalon Whisker à huit reprises, un croisement générant des inbreedings sur Herod (en 3x4) et sur Matchem (en 4x3), et la première tentative fut la bonne : en 1798 naquit une pouliche baie d’une si grande beauté qu’il la baptisa Eleanor, du prénom de sa propre mère dont il était le fils aîné !
 
 
 
Molly Long Legs, aïeule d’Eleanor, célèbre pour ses longues jambes…
 
 
Eleanor n’était pas que séduisante, elle était aussi très bonne. Inédite à 2 ans puis victorieuse pour ses débuts au printemps de ses 3 ans, elle enchaîna directement par une victoire dans le Derby (Gr.1), vingt-deuxième édition, pour devenir la première pouliche ayant inscrit son nom au palmarès de la plus grande épreuve classique !
 
Mieux encore, Eleanor s’adjugea les Oaks St. (Gr.1) le lendemain même du Derby, exploit inconcevable de nos jours (les chevaux n’ont plus le droit de courir deux jours de suite). Titulaire de 29 victoires en 46 sorties jusqu’à l’âge de 7 ans, elle était entraînée par un homme nommé Cox (ou J. Frost) qui confessa sur son lit de mort, à un prêtre le questionnant sur son accès au paradis : « Pourquoi pas, car Eleanor était une diable de bonne jument ! ».
 
Entrée au haras en 1806, Eleanor donna le jour à dix foals dont Muley, un étalon qui exerça quelque influence en son temps et que l’on retrouve dans le pedigree de Stockwell, alias l’empereur des étalons, et à la jument Active, une des bases du trotteur standarbred américain !
 
Il fallut attendre 56 ans pour qu’une autre pouliche ne remporte le Derby, en 1857 : Blink Bonny, une fille de Melbourne et donc descendante directe de Sorcerer, le frère utérin de … Eleanor. Blink Bonny remportera elle aussi les Oaks St. (Gr.1), deux jours après le Derby. Seules quatre autres pouliches réalisèrent l’exploit de devancer les mâles dans l’épreuve reine d’Epsom : Shotover en 1882, Signorinetta en 1908, Tagalie en 1912 et enfin Fifinella en 1916, précédant plus d’un siècle de disette pour le sexe injustement qualifié de faible. Pour mémoire, toutes les quatre portent le nom de Eleanor dans leur pedigree !
 
La dernière pouliche qui monta sur le podium d’un Derby fut la française d’origine américaine Nobiliary, une sœur utérine de Lyphard par Vaguely Noble défendant les couleurs de Nelson Bunker Hunt et entraînée par Maurice Zilber, alias le sorcier. Elle ne trouva sur son chemin que le Champion Grundy pour lui interdire l’accès à la victoire.
 
 
 
Nobiliary, deuxième du Derby de Grundy en 1975…
 
 
Épreuve correspondant au Derby dans le calendrier français, le Prix du Jockey Club (Gr.1) fut créé en 1836 et remporté dès 1837 par une pouliche, Lydia, d’ailleurs porteuse du sang de Eleanor au niveau de sa deuxième mère. Douze autres femelles remportèrent cette course jusqu’à Brumelli en 1917, il y a plus d’un siècle de nous. Rares furent ensuite les pouliches alignées au départ de cette course mythique, mais on se souviendra que la grise Natagora monta sur la troisième marche du podium de l’édition 2008 d’un Prix du Jockey Club (Gr.1) remporté par Vision d’Etat devant Famous Name.
 
De nouvelles pages de la grande Histoire des courses restent à écrire, en remerciant par avance les propriétaires et entraîneurs sportsmen qui oseront tenter l’aventure, conjuguée au féminin !
 
 

Voir aussi...