La chronique facebook : la mort d'Hollywood
Scène d'entrainement à Hollywood Park, près de l'aéroport de Los Angeles en Califonie, en novembre 2013.
Regroupées, les machines s'élancent à l'assaut du dernier tournant et s'étalent sur la piste synthétique d'Hollywood Park. Le peloton, dans un roulement commun, arrache la cushion track de ses foulées impossibles et franchit l'arrivée, soulevant les cœurs et les souvenirs. Le groupe poursuit sa route sur quelques mètres, puis se décharge. Avant de reprendre le travail, inlassablement. Impitoyablement. Des tribunes s'élèvent les cris de la forge pliée, du béton explosé et des géraniums qui s'étouffent. La sueur se mêle aux cendres du temple californien, et le vent tiède ne flatte plus que désolation.
A la découverte de l'hippodrome d'Hollywood Park avec Leonard Powell, seul entraineur français installé aux Etats-Unis, avant sa destruction en novembre 2013.
Le marteau s'était explosé dans un bruit sourd, il y a quelques mois déjà, adressant, non sans remords, sa peine capitale. L'exécution planifiée, l'hippodrome reçut ses dix mille derniers visiteurs le vingt-deux décembre de l'année passée, imposant à la fête son affreux parfum de nostalgie.
Les courses, ce jour-là, avaient défilé au rythme d'un cadran fou. Woodmans Luck, utile cheval à l'ambition démesurée, quittait l'arrière-salle par ses larges foulées, et parvenait enfin à remonter la concurrence. Il n'avait pas la force des champions, ni les jambes, ni l'aura, mais il avait à cœur, depuis toujours, de marcher sur leurs traces, et d'imprimer son fer sur la ligne finale d'Hollywood Park. Gentil cheval sans histoire, il s'était fait un nom par sa régularité, et par son témoignage de frustration une année auparavant, lorsqu'il se jetait sur la joue de son rivale Romeo Royale, lassé de n'être que l'ombre immédiate des vainqueurs. Honteux de n'être qu'une célébrité orageuse, il avait tout donné pour remporter l'ultime compétition de l'hippodrome, se forgeant ainsi une once de légende, une trace indélébile dans l'histoire du galop californien.
Désormais, l'entrée de l'hippodrome d'Hollywood, couplé à un casino, n'est plus qu'un souvenir.
La crise économique aura eu raison du site aux mille souvenirs.
Le soleil avait peine à se déployer à travers les nuages de poussière. Sous l'amas oppressant, l'on distinguait encore la croupe de Seabiscuit, ondulant jusqu'au poteau de la toute première Hollywood Gold Cup. Soixante-quinze années au service du Pur-Sang. Les champions ne manquèrent pas à l'appel du soleil californien. Citation, nourrisson de l'après-guerre, remportait ici l'ultime course de sa brillante carrière, arrachant le sol de ses foulées monstrueuses.
Swaps, cinq ans plus tard, accrochait également le Derby à son énorme carcasse, filant sans effort jusqu'au poteau de la Gold Cup.
Round Table, le champion des pistes vertes, se montrait aussi bon sur le track l'année suivante.
En 1979, Affirmed épouse le tournant à la corde et se déploie infatigablement.
Seize ans plus tard, Cigar se bat pour la tête, et explose ses concurrents dans une impossible poursuite.
Enfin, sur ces dix dernières années, Lava Man impose son triplé, se montrant tantôt dominateur tantôt incroyable lutteur et
Game On Dude clôture l'édition 2013 de la Gold Cup en s'adjugeant la course avec détermination, répétant son exploit de la saison précédente.
Chose rare aux Etats-Unis, l'hippodrome d'Hollywood comportait une 2e piste d'entrainement, un petit anneau de 600 m, sur une colline mais dans un environnement surprenant de terrain vague.
Zenyatta, icône intemporelle des courses américaines, remporta par trois fois le Vanity Invitational Handicap.
Aussi, Hollywood Park accueillit en 1984 la toute première journée de Breeder's Cup, dévoilant au monde entier le prestige américain et l'envolée de la grise Princess Rooney. Depuis, la compétition internationale posa ses valises sur le site à deux reprises. En 1987, la journée fut grandiose.
Alysheba, monté trop en confiance, n'est plus dans l'action lorsque Ferdinand lui ravit la victoire dans le Classic.
Sur la pelouse, Theatrical lutte avantageusement face à Trempolino qui échoue de peu pour l'inédit et prestigieux doublé Arc-Breeder's Cup. Il sera quelque peu vengé une demi-heure plus tard, lorsque l'incroyable Miesque, en deux-trois foulées détonantes, explose ses rivaux et embarque Freddy Head au poteau de la Breeder's Cup Mile.
Dix ans plus tard, Classic Skip le gris, remporte le Classic avant de s'envoler dans la Gold Cup l'année suivante.
Les croupes formées par mon esprit à travers les flots de poussière s'estompent définitivement. Hollywood Park n'est plus. Sous les coups, les éboulements et les chocs destructeurs, l'hippodrome vit ses dernières heures, remplacé bientôt par un centre commercial flambant neuf surplombant des milliers de nouvelles habitations.
Les chevaux y ont déjà disparu, emportant avec eux tout espoir de nouvelles victoires.
Les grands champions légendaires ont foulé la piste d'Hollywood, comme Seabiscuit.