L'histoire de DNA : Sagace, le bleu de l'Arc-en-Ciel

25/06/2020 - Grand Destin
35 ans plus tard, on parle encore de la rétrogadation de Sagace dans l'Arc de Triomphe 1985. Mais on a oublié tout le reste de l'histoire de ce grand champion fragile mort à seulement 9 ans. Thierry Grandsir nous rafraichit la mémoire...

  
 SAGACE (1980-1989), par Luthier et Seneca (Chaparral), ici avec Yves Saint-Martin

 
 
« Ce poulain est une peinture ! ». Qui mieux que Daniel Wildenstein, grand expert en art pictural, pour qualifier ainsi le foal délivré par la jument Seneca le 26 mai de l’an 1980, né des œuvres de l’étalon Luthier. Baptisé Sagace, de bonne taille et d’une extrême élégance, il était le fruit d’un croisement savamment décidé par son éleveur : un père non dénué de vitesse, une mère de souche allemande, et un inbreeding en 4x5 sur le vainqueur du Prix de l’Arc de Triomphe Brantôme. L’Arc de Triomphe en point de mire, évidemment, pour succéder à Allez France qui avait fait briller ses couleurs dans l’édition 1974 de l’épreuve reine de Longchamp. Le poulain arbore une étoile en forme de lys, alors il sera Roi !
 
 
 
 
 
 
Daniel Wildenstein a construit sa réussite par de nombreux achats aussi avisés que judicieux, aux quatre coins de la planère course : s’il a acquis Allez France aux USA, Strawberry Road en Australie ou encore Carmosina (future mère de Crow) en Argentine, c’est en Allemagne qu’il découvrit Schönbrunn, alors gagnante classique sur sa terre natale. D’abord décevante sous ses nouvelles couleurs jusqu’à sa victoire totalement inattendue dans un Grand Prix de Deauville (Gr.2) auquel son propriétaire n’avait d’ailleurs pas jugé utile d’assister, elle lui donnera de son union avec le vainqueur du Grand Prix de Paris (Gr.1) Chaparral (Val de Loir) la poulinière Seneca, future mère de Sagace.
 
Succession Wildenstein
Daniel Wildenstein avec son fils Alec (photo SIPA)
  
 
Initialement entraîné en Irlande, Sagace intégra ensuite l’écurie de Patrick-Louis Biancone aux côtés d’une autre bleue très estimée, All Along. Assez tardif, Sagace débuta au printemps de ses 3 ans dans le Prix des Marronniers, sur les 2400 m de Longchamp : il semblait dominer son sujet lorsque, subitement, il déroba fortement sur sa gauche, ce qui lui coûta la victoire. Déchirure musculaire, et quatre mois de repos forcé.
 
 
 
 
 
Deuxième pour sa rentrée à Deauville puis gagnant de son maiden devant Garde Royale, Sagace courut ensuite déclassé dans le Prix Niel (Gr.2), décrochant ainsi son ticket pour l’Arc. Malchanceux dans le parcours, il laissera filer All Along avec  Walter Swinburn au poteau, loin devant lui. Patrick Biancone déclara après la course : « l’année prochaine, ce sera au tour de Sagace ! ».
 
Maintenant âgé de 4 ans, Sagace est battu par Romildo pour sa rentrée dans le Prix Ganay (Gr.1) : fracture de la troisième phalange, et à nouveau quatre mois sur la touche. S’ensuivit une rentrée victorieuse dans le Prix Foy (Gr.3) et, comme l’avait prédit son entraîneur, une victoire dans le Prix de l’Arc de Triomphe (Gr.1) sous la selle d'Yves Saint-Martin, devant Northern Trick et … All Along !
 
 
 SAGACE remporte l’Arc 1984 devant NORTHERN TRICK et ALL ALONG
 
 

Patrick Biancone et son père Pierre Biancone, avec Sagace et All Along.
 
 
 
 
Un succès qui doit beaucoup au génie de son jockey : dans ce terrain très lourd, Yves Saint-Martin avait choisi d’attaquer très tôt pour emprunter la mince bande de terre laissée vierge par le démontage de la lisse, et Northern Trick ne put que s’embourber à chacune de ses attaques…
 
La saison suivante, Sagace visait le doublé dans l’Arc. Trois faciles victoires en autant de sorties (Prix Ganay, Prix d’Ispahan et Prix Foy), il paraissait imbattable. C’est d’ailleurs ce que ne cessa de déclarer Patrick Biancone dans la presse, et ils ne seront finalement que quatorze à oser l’affronter, dont lesWildenstein Héraldiste et Balitou. La stuppeur gagne le public à l’entrée de Sagace dans le rond de présentation, à la vue des bandages ornant ses deux antérieurs. Le grand bluff a fonctionné, le cheval n’est sans doute pas au top…
 
Monté par Eric Legrix, Sagace prend tôt l’avantage mais se voit attaqué par Rainbow Quest, d’où une longue empoignade entamée au pavillon et quelques contacts. Sagace l’emporte d’une encolure, au courage. Une sirène retentit, une longue enquête s’engage, et la décision glace les veines du public : Sagace est rétrogradé derrière Rainbow Quest. Patrick Biancone aura beau faire appel, présentant des films synchronisés en vue de face et en vue de côté pour démontrer l’absence de gène, rien n’y fera. Le bleu disparaît de l’arc-en-ciel, the rainbow en anglais…
 
 
 
SAGACE devance RAINBOW QUEST sur le poteau de l’Arc 1985, mais l'arrivée sera inversée par les commissaires.
 
 
Laissant le souvenir d’un immense Champion à la foulée aérienne et démesurée, Sagace fut stationné aux USA où, encore et toujours victime de problèmes de santé chroniques, il succombera d’une crise de coliques durant sa troisième saison de monte, seulement âgé de 9 ans. Malgré une production totale réduite à seulement 78 foals, il peuts’enorgueillir d’avoir conçu Arcangues, tombeur des meilleurs spécialistes américains du dirt dans le Breeders’ CupClassic (Gr.1) à la cote faramineuse de 133/1 !
 
Père de deuxième mère des gagnants de Gr.1 Sageburg, Sagawara, Scalo et Japan, Sagace est aussi le père de mère dela lauréate des 1000 Guineas St. (Gr.1) Cape Verdi et du vainqueur du Prix de l’Arc de Triomphe (Gr.1) édition 1998 Sagamix. Ce jour-là, l’arc-en-ciel arborait toutes ses couleurs, avec un liseré bleu sur fond de gris Lagardère !
 
 

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