L'histoire de DNA : Iroquois, un amérindien à Epsom

01/07/2020 - Grand Destin
 A quelques jours du Derby d'Epsom 2020, Thierry Grandsir nous conte l'évenement extraordinaire survenue dans l'édition 1881 : la toute 1e victoire d'un cheval venu des Etats-Unis dans le grand classique anglais, ce qui fut un choc pour la vieille société aristocratique britannique par rapport à leur ancienne colonie, mais aussi un formidable élan donné aux courses américaines.
 
IROQUOIS (1878-1899), par Leamington et Maggie B B (Australian)
 
 
Pour ses 50 ans, en 1870, le citoyen américain Aristides J. Welsh créa Erdenheim Stock Farm pour y bâtir son élevage, au Nord de Philadelphie (Pennsylvanie). Il constitua progressivement une jumenterie d’élite, procédant notamment à l’acquisition de la jument Maggie B B en 1870 avant d’importer, deux ans plus tard, l’étalon anglais Leamington.
 
 
 
 
Précoce et solide (8 victoires en 24 sorties), double lauréat de la Chester Cup mais de modeste naissance, Leamington arriva aux USA après six saisons de monte en Angleterre où ses actifs de reproducteurs ne s’étaient guère avérés concluants. Aristides Welsh lui présenta d’emblée ses meilleures juments, et son ami H. Price McGrath en fit de même. Ce dernier eut de ce fait le bonheur d’accueillir un foal de Leamington et de Sarong en 1872, qu’il baptisa Aristides en l’honneur de son ami. Et le poulain de 3 ans Aristides entra dans l’Histoireen remportant l’édition inaugurale du Kentucky Derby (Gr.1) en 1875 !
 
Ce succès relança clairement la carrière d’étalon de Leamington, avec un premier titre de tête de liste des pères de gagnants aux USA, exploit réédité en 1877, en 1879 et en 1881. Croisé à la jument Maggie B B, Leamingtone engendra pour Aristides Welsh le poulain Harold qui remporta le classique Preakness St. (Gr.1) en 1879. 
 
Cette victoire, ajoutée à celles des pouliches Olitipa et Susquehanna dans les Alabama St. (Gr.1), attira l’attention de Pierre Lorillard IV, un sportsman américain qui avait fait fortune dans le tabac et qui, surtout, était las de subir le mépris anglais à l’encontre du pur-sang américain. L’homme décida donc d’acquérir cette année-là tous les yearlings de Leamington présentés aux ventes par Aristides Welsh : parmi eux figurait un petit poulain (il ne toisera pas plus de 1,56 m au garrot à l’âge adulte), propre frère de Harold et répondant au nom de Iroquois, en hommage aux amérindiens qui peuplaient la région avant l’arrivée des colons.
 
 
LEAMINGTON (1853-1878), le père de IROQUOIS
 
 
Les yearlings de Pierre Lorillard furent aussitôt embarqués sur un bateau à destination de l’Angleterre pour être confiés à Jacob Pincus (de Baltimore), donc né aux Etats-Unis mais installé à Newmarket. Un entraîneur singulier,connu pour avoir été le premier à utiliser un chronomètre sur les pistes anglaises !
 
Bien qu’assez tardif, Iroquois remporta quatre courses à 2 ans en prélude à une rentrée dans les 2000 Guineas St. (Gr.1). Pas franchement au top ce jour-là, Iroquois se classa seulement deuxième de Peregrine mais sa performance attira l’attention de Fred Archer : bien que retenu par contrat avec Lord Falmouth, le crack jockey insista pour monter Iroquois dans le Derby, épreuve qu’il avait déjà remportée à deux reprises dont l’année précédente avec Bend Or. Et le premier juin 1881, Fred Archer, surnommé the tin man, sera le seul anglais arborant un large sourire sur l’hippodrome d’Epsom :pour la cent-deuxième édition du Derby, un cheval américain, élevé par un américain, propriété d’un américain et entraîné par un américain décrochait le ruban bleu du turf !!! 
 
Une course d’anthologie, dans laquelle Fred Archer serra de si près la lisse à Tattenham Corner qu’il rentra aux balances avec une botte déchirée des orteils jusqu’à la cheville... Iroquois avait pris sa revanche sur le favori Peregrine, une nouvelle qui arriva très vite à New York où, une fois n’est pas coutume, les transactions de Wall Street furent suspendues pour laisser place à une indéscriptible liesse !
 
A contrario, l’Angleterre était sous le choc,et ratifia quelques années plus tard le Jersey Act qui limitait l’importation de coursiers américains sur le sol Britannique. Car le nouveau champion avait confirmé son 1e exploit. Les victoires de Iroquois dans les St James’s Palace Stakes, les Prince of Wales’s Stakes et le classique St Leger en sont largement responsables, exploits dont l’écho eut pour effet de faire exploser la fréquentation des hippodromes de l’autre côté de l’Atlantique.
 
 
 
 
Iroquois ne courut pas à 4 ans pour cause de saignements et retourna l année suivante sur ses terres natales pour remporter la Stockbridge Cup avant d’entrer au haras,d’abord à Rancocas Stud (New Jersey) puis à Belle Meade Stud (Tennessee). Authentique héros national, Iroquois se classa tête de liste des pères de gagnants aux USA en 1892 : on lui doit le poulain Tammany, élu Horse of the Year cette année-là, mais aussi la gagnante des Kentucky Oaks White Frost et l’étalon G.W. Johnson, géniteur de Lieut Gibson qui s’adjugea le Kentucky Derby en l’an 1900.
 
S’il a aujourd’hui disparu des pedigrees, Iroquois a ouvert la voie à ses compatriotes : durant les cinquante dernières années, quinze poulains nés en Amérique du Nord ont remporté le Derby dont Lammtarra, Nashwan, Roberto, Nijinsky II ou encore Sir Ivor. Ils sont tous inscrits dans le Stud Book, mais sous l’appellation de … Pur-Sang Anglais !
 

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